Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/119

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garçon qui promet beaucoup, et que j’ai fait voyager non sans peine à travers les aspérités rudimentaires.

— Dieu vous en récompense, monsieur Erasmus, dit la bonne Gammer ; Dieu fasse que ce petit Dickie en soit meilleur ! Quant au reste, si le gentleman veut s’arrêter ici, le déjeuner sera sur la table dans un tour de main ; et quant à la nourriture du cheval et de son maître, je n’ai pas l’âme assez basse pour demander un sou. »

Vu l’état de son cheval, Tressilian ne vit rien de mieux à faire que d’accepter une invitation faite en termes si savants, et confirmée d’une manière si hospitalière ; il espérait d’ailleurs que le bon pédagogue, quand il aurait épuisé son répertoire, condescendrait à lui enseigner où il pourrait trouver le maréchal en question. Il entra donc dans la hutte, s’assit près d’Erasmus Holyday, partagea avec lui le plat de furmity, et écouta pendant une bonne demi-heure les savants récits que le magister lui fit des circonstances de sa vie, avant de pouvoir l’amener à parler d’autre chose. Le lecteur nous pardonnera de ne pas suivre ce docte personnage dans tous les détails dont il favorisa Tressilian ; le résumé que nous allons en donner sera suffisant.

Il était né à Hogmorton, où, suivant un dicton populaire, les pourceaux jouent de l’orgue[1], proverbe qu’il interprétait d’une manière allégorique, comme ayant rapport au troupeau d’Épicure dont Horace avouait faire partie. Son nom d’Erasmus lui venait de ce que son père était fils d’une blanchisseuse qui avait soigné le linge du savant de ce nom, pendant tout le temps qu’il était resté à Oxford ; tâche assez difficile, car il n’avait que deux chemises, qui, disait l’honnête blanchisseuse, attendaient constamment leur tour. Les restes d’une de ces camisiœ, à ce que disait maître Holyday, étaient encore entre ses mains, parce que sa grand’mère l’avait retenue pour faire la balance de son compte. Mais il croyait qu’un motif plus grave et plus puissant avait déterminé à lui donner le nom d’Erasmus : ce motif était le secret pressentiment de sa mère que dans l’enfant qu’on allait baptiser, il y avait le germe du génie qui le ferait un jour rivaliser de réputation avec l’illustre savant d’Amsterdam. Le surnom du maître d’école l’entraîna dans une discussion non moins longue que son nom de baptême. Il était disposé à croire qu’il portait le nom d’Holyday[2], quasi lucus a

  1. Hog, en anglais, signifie pourceau. a. m.
  2. L’auteur joue ici sur le nom holyday qui signifie, en anglais, jour de fête, jour de congé, comme nous l’avons déjà dit. a. m.