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— N’attendez pas à demain matin, monsieur ; partez cette nuit même. Je n’ai jamais autant souhaité l’arrivée d’un voyageur que je désire vous voir parti d’ici. Mon neveu est probablement destiné à être pendu ; mais je ne voudrais pas que ce fût pour avoir assassiné un hôte aussi estimable que vous. Il vaut mieux, dit le proverbe, voyager en sûreté la nuit, que le jour avec un assassin à ses côtés. Partez, monsieur, partez pour votre sûreté. Votre cheval est prêt, et voici votre compte.

— Tenez, » dit Tiessilian en remettant un noble à l’hôte ; « c’est un peu plus qu’il ne vous revient ; mais vous donnerez le reste à la jolie Cécile, votre fille, et aux domestiques de la maison.

— Ils seront sensibles à votre bonté, monsieur ; et en témoignage de sa reconnaissance, ma fille vous embrasserait ; mais à une pareille heure mes gens ne peuvent venir se rassembler pour vous dire adieu.

— Ne laissez pas votre fille avoir trop de relations avec les voyageurs, mon bon hôte.

— Oh ! monsieur, nous y prenons garde ; mais je ne m’étonne pas que vous soyez jaloux d’eux tous… Puis-je vous demander quelle mine a faite la belle dame en vous recevant hier ?

— J’avoue que son accueil, où le dépit se mêlait à la confusion, ne m’a pas annoncé qu’elle fût revenue de sa malheureuse illusion.

— En ce cas, monsieur, je ne vois pas pourquoi vous vous feriez le champion d’une femme qui ne se soucie pas de vous, rôle qui vous expose au ressentiment du favori d’un favori, d’un monstre aussi dangereux qu’aucun de ceux que rencontra jamais chevalier errant dans les vieux livres d’histoire.

— Vous ne m’entendez pas, mon hôte, vous ne m’entendez pas ; je ne désire pas qu’Amy revienne à moi le moins du monde. Que je la voie rendue à son père, et tout ce que j’ai à faire en Europe, et peut-être dans le monde… est terminé.

— Une plus sage résolution serait de boire un verre de vin et de l’oublier, dit l’hôte. Mais vingt-cinq ans et cinquante ne voient pas ces sortes d’affaires des mêmes yeux, surtout quand, d’une part, ces yeux sont logés dans la tête d’un jeune gentleman ; de l’autre, dans celle d’un vieux cabaretier. Je vous plains, monsieur Tressilian ; mais je ne vois pas comment je puis vous aider en cette occasion.

— Voici tout ce que j’ai à vous demander, mon hôte : ayez l’œil sur tout ce qui se passe à Cumnor-Place, et vous pouvez l’apprendre aisément sans exciter les soupçons, car toutes les nouvelles viennent aboutir au pot de bière ; et ayez la bonté d’en remettre le