Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/96

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Elle paraissait fort grande, et même on voyait clairement qu’elle l’était trop pour ses habitants actuels ; plusieurs fenêtres étaient murées, surtout celles du rez-de-chaussée : d’autres étaient bouchées moins solidement. L’avant-cour, entourée d’un mur extérieur très-bas, maintenant en ruines, était pavée ; mais le sol était entièrement caché sous de longues orties grises, des chardons et d’autres herbes parasites qui, en croissant entre les pierres, en avaient dérangé quelques-unes. Des objets même qui auraient exigé une attention plus sérieuse avaient été négligés, de manière à prouver une extrême paresse ou une grande pauvreté. Le ruisseau avait miné une partie de la rive près de l’un des angles du mur en ruines, et ce coin s’était écroulé ainsi qu’une tourelle qui le défendait : les décombres gisaient dans le lit de la rivière. Le courant, interrompu par ces débris, avait fait un détour en se rapprochant encore de l’édifice, qu’il entamait chaque jour davantage ; il avait agrandi la brèche primitive, et menaçait même le terrain sur lequel était placée la maison, si l’on ne se hâtait de la protéger par une digue assez forte. Ce spectacle attirait l’attention de Roland Græme, pendant qu’ils approchaient de la maison en suivant un sentier tournant qui la leur laissait voir par intervalles et sous différents aspects.

" Si nous entrons dans cette maison, dit-il à sa mère, j’espère que nous n’y ferons pas longue visite, je crois que deux journées de pluie et de vent du nord-ouest suffiraient pour envoyer ce qu’il en reste dans la rivière.

— Vous ne voyez qu’avec les yeux du corps, répliqua la vieille femme ; Dieu défendra les siens, quoiqu’ils soient méprisés et abandonnés des hommes. Mieux vaut demeurer sur le sable avec sa protection, que de s’attacher au rocher de la confiance humaine. »

En parlant ainsi, ils entrèrent dans l’avant-cour de la vieille maison, et Roland put observer que la façade avait été jadis ornée de sculptures, taillées dans la même pierre brune dont elle était bâtie. Tous ces ornements avaient été brisés et détruits, et il ne restait à la place qu’ils occupaient que des vestiges de niches et d’entablements. La plus grande entrée était murée ; mais un étroit sentier qui, selon toute apparence, était peu fréquenté, conduisait à un petit guichet fermé par une porte bien consolidée au moyen de clous à tête de fer. Madeleine Græme frappa trois fois, en s’arrêtant après chaque coup, jusqu’à ce qu’elle entendît qu’on