Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/92

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déjà pris des leçons à l’école du diable ! Un rosaire consacré par le saint père lui-même, et sanctifié par sa bénédiction ! ce sont, dit-il, quelques grains d’or, dont on peut remplacer la valeur par le salaire de son travail profane, et la vertu par un cordon de noisettes ! Hérésie ! Voilà donc le fruit des leçons de Henri Warden ; c’est ainsi que ce loup qui ravage le troupeau du bon pasteur, t’a appris à parler et à penser.

— Ma mère, dit Roland Græme, je ne suis pas un hérétique ; je crois et je prie selon les règles de notre Église. Je regrette ce malheur, mais je ne puis le réparer.

— Mais tu peux t’en repentir, » reprit son guide spirituel, « et t’en repentir dans la poussière et la cendre ; expie-le par le jeûne, la prière et la pénitence, au lieu de me regarder d’un air aussi tranquille que si tu n’avais perdu qu’un bouton de ton bonnet.

— Ma mère, dit Roland, calmez-vous ; je me rappellerai ce péché à la première confession que je trouverai occasion de faire, et j’accomplirai tout ce que le prêtre exigera de moi en expiation. Je ne peux faire plus pour la plus grande faute. Mais, ma mère, » ajouta-t-il après une pause d’un instant, « que je n’encoure pas davantage votre déplaisir, si je vous demande de quel côté se dirige notre voyage et quel en est le but. Je ne suis plus un enfant, mais un homme ; j’ai une épée au côté, et le duvet couvre mon menton : j’irai au bout du monde avec vous pour vous faire plaisir, mais je me dois à moi-même de demander le but et la direction de nos voyages.

— Vous le devez à vous-même, ingrat ! » reprit sa parente ; et la colère donnait à ses joues la couleur que la vieillesse en avait depuis long-temps bannie ; « à vous-même vous ne devez rien ; vous ne pouvez rien vous devoir. C’est à moi que vous devez tout ; votre vie pendant l’enfance, votre subsistance pendant la jeunesse, les moyens de vous instruire, et l’espoir d’un rang honorable… et, plutôt que de te voir abandonner la noble cause à laquelle je t’ai voué, je préférerais te voir étendu sans vie à mes pieds ! »

Roland fut effrayé de l’agitation véhémente avec laquelle elle parlait, et qui menaçait d’accabler son corps usé par les ans ; et il se hâta de répondre : « Je n’oublie rien de ce que je vous dois, ma très-chère mère ; montrez-moi comment je puis, même au prix de mon sang, vous témoigner ma reconnaissance, et vous verrez si je sais l’épargner ; mais une obéissance aveugle a en elle-même aussi peu de mérite que de raison.