Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/90

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le prêtre recommandait. Il suivait la formule de sa religion, plutôt parce qu’il croyait déshonorant d’abandonner celle de ses pères, que par aucune croyance sincère ou raisonnable de sa doctrine mystérieuse. C’était le plus grand point qui, selon lui, le distinguait de ceux parmi lesquels il vivait : il y trouvait un motif de plus, quoique caché, de mépriser les habitants du château qui lui montraient ouvertement de l’inimitié, et de s’endurcir aux instructions du chapelain Henri Warden.

« Le prédicateur fanatique, » pensait-il en lui-même pendant quelques-unes des sorties habituelles du chapelain contre l’Église de Rome, « ne se doute point de l’horreur et du mépris avec lesquels certaines personnes entendent sa doctrine profane et ses blasphèmes contre la sainte religion par laquelle tant de rois ont été couronnés, et pour laquelle tant de martyrs sont morts. »

Roland Græme associait inévitablement ses idées religieuses dans cet ordre : d’une part, catholicisme, généreuse indépendance ; de l’autre réforme, soumission honteuse d’esprit et de caractère à la direction absolue d’un prêtre fanatique. Et c’était à de pareils sentiments d’hostilité contre l’hérésie et ses fauteurs que se bornait toute la croyance du jeune page : car, fier de l’opinion religieuse par laquelle il se singularisait, il ne cherchait point à se faire expliquer les dogmes qui la caractérisent, et d’ailleurs il n’avait près de lui personne à qui il pût demander cette explication sans trahir son secret. Aussi son regret, en ne trouvant plus le rosaire que lui avait remis le père Ambroise, tenait plutôt de la honte d’un soldat qui a perdu sa cocarde ou le signe de son service, que de celui d’un religionnaire qui a oublié le symbole visible de sa foi.

Ses pensées à ce sujet étaient néanmoins pénibles, car il appréhendait que sa négligence ne fût découverte par sa parente ; il sentait qu’il n’y avait qu’elle qui eût pu transmettre ce chapelet au père Ambroise, et que son peu de soin était une triste récompense de tant de bonté.

« Elle ne manquera pas de me le demander, se dit-il ; car elle est animée d’un zèle que l’âge ne saurait ralentir ; et, je la connais, je m’attends à ce qu’elle soit irritée de ma réponse. »

Tandis qu’il raisonnait ainsi en lui-même, Madeleine Græme entra dans la chambre. « Que la bénédiction du matin soit sur ta jeune tête, mon fils ! » dit-elle avec une expression solennelle qui fit tressaillir le cœur du jeune homme : tant était pieux, triste et tendre à la fois l’accent avec lequel ces paroles coulèrent de ses