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Un sentiment de reconnaissance envers celle contre qui son cœur se révoltait ainsi arrêta ses pensées. Il résista aux idées qui s’élevaient involontairement dans son âme, ainsi qu’il aurait résisté aux instigations du mauvais esprit ; et pour s’aider dans cette lutte, il chercha son chapelet ; mais dans son départ précipité du château d’Avenel il l’y avait oublié.

« C’est encore pis ! dit-il. Elle ne m’a recommandé solennellement que deux choses, de dire mon rosaire et de cacher que je le disais. J’ai tenu parole jusqu’à ce moment ; mais quand elle me demandera le rosaire, il faut que je dise que je l’ai oublié. Mériterai-je qu’elle me croie quand je dirai que j’ai gardé le secret de ma foi, et que j’ai eu si peu d’égard pour son symbole ? »

Il marchait dans la chambre avec une agitation inquiète. Au fait, son attachement à sa foi était d’une nature bien différente de celle qui animait la matrone enthousiaste ; mais néanmoins quitter sa religion aurait été sa dernière pensée.

Les conseils que lui avait jadis donnés sa grand’mère s’étaient adressés à un caractère particulièrement tenace. Tout enfant qu’il était, il était fier de la confiance qu’on avait en sa discrétion, et il était résolu à prouver qu’on ne se fiait pas à lui témérairement. Malgré tout, sa résolution n’était autre que celle d’un enfant, et se serait insensiblement évanouie par l’exemple et le précepte pendant son séjour au château d’Avenel, sans les exhortations du père Ambroise. Ce moine zélé avait appris, par une lettre anonyme que lui avait remise un pèlerin, qu’un enfant catholique était au château d’Avenel, dans un aussi grand danger (ainsi le portait l’écrit) que le furent jadis les trois enfants qu’on avait jetés dans la fournaise. On le rendait responsable de la perte de cet agneau solitaire, s’il devenait la proie du loup dévorant dans le repaire duquel on avait été forcé de l’abandonner. L’idée d’une âme en danger, et d’un catholique prêt à apostasier, suffisait pour enflammer le zèle du bon père : il fit des visites plus fréquentes que d’habitude au château d’Avenel, de crainte que, faute de l’encouragement et de l’instruction secrète qu’il trouvait toujours l’occasion de donner, l’Église ne perdît un prosélyte, et que, suivant la croyance romaine, le diable ne gagnât une âme.

Cependant ces entrevues étaient rares ; et, quoiqu’elles encourageassent l’enfant isolé à garder son secret et à tenir à sa religion, elles n’étaient ni assez fréquentes ni assez longues pour lui inspirer autre chose qu’un attachement aveugle aux principes que