Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/86

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« Et maintenant, dit-elle, quelles provisions avons-nous ?

— N’y pensez pas, ma mère, dit Roland, à moins que vous n’en ayez besoin vous-même. C’est peu de chose pour moi d’endurer une nuit d’abstinence, et c’est une légère expiation des transgressions aux règles de notre Église, auxquelles j’ai été contraint de me soumettre pendant mon séjour au château.

— Besoin pour moi-même ! reprit la matrone. Sachez, jeune homme, qu’une mère ne connaît jamais les besoins tant que ceux de son enfant ne sont pas apaisés. » Et avec une affection tout à fait différente de sa manière ordinaire, elle ajouta : « Roland, il ne faut pas jeûner ; vous en êtes dispensé ; vous êtes jeune, et pour la jeunesse la nourriture et le sommeil sont des besoins indispensables. Ménagez vos forces, mon enfant ; votre souveraine, votre religion, votre pays, l’exigent. Laissez à la vieillesse à macérer par le jeûne un corps qui ne peut que souffrir ; que la jeunesse, dans ces temps actifs, entretienne les forces nécessaires pour agir. »

Tout en parlant ainsi, de la même poche qui avait fourni les moyens de faire du feu, elle tira de quoi faire un repas, dont elle prit à peine sa part ; mais elle épiait son convive d’un air plein de sollicitude, contemplant avec un secret plaisir chaque preuve qu’il donnait d’un appétit juvénile aiguisé par une journée d’abstinence. Roland obéit volontiers aux ordres de son aïeule, et dévora les aliments qu’elle avait placés devant lui avec un si affectueux empressement. Mais elle secoua la tête quand il l’invita de son côté à prendre part au repas que ses soins avaient préparé ; et quand ses sollicitations devinrent plus pressantes, elle les rejeta d’un ton plus hautain.

« Jeune homme, dit-elle, vous ne savez à qui, ni de quoi vous parlez. Ceux à qui le ciel déclare ses volontés doivent le mériter par la mortification des sens ; ils ont en eux ce qui supplée à la nourriture terrestre, nécessaire aux êtres placés hors de la sphère de la vision. Pour eux les veilles passées en prières valent le sommeil le plus rafraîchissant, et dans la certitude de faire la volonté du ciel ils trouvent un banquet plus riche que les tables des monarques ! Mais dors paisiblement, mon fils, » dit-elle, quittant le ton de l’exaltation et reprenant celui de l’affection et de la tendresse maternelle. « Dors profondément, tandis que la vie est jeune en toi, et que les soins de la journée peuvent s’effacer par les songes de la nuit. Ton devoir est le mien diffèrent, et les