Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compagnons dans les montagnes brumeuses du Cumberland et du Liddesdale.

— Au moins, j’ai conservé, ma bonne mère, les habitudes que j’avais prises alors. Je puis coucher sur la dure, et ne pas le trouver pénible ; depuis le temps où j’errais avec toi, j’ai été chasseur, pécheur, oiseleur ; chacune de ces professions habitue à dormir tranquillement même sous le triste abri que le sacrilège nous a laissé ici.

— Oui, triste abri que le sacrilège nous a laissé ! » dit la matrone en appuyant sur ses paroles. « C’est très-vrai, mon fils ; et les fidèles enfants de Dieu sont aujourd’hui tristement abrités quand ils logent dans la maison de Dieu et la demeure de ses saints bienheureux. Nous coucherons froidement ici, exposés au vent de la nuit qui siffle à travers les brèches que l’hérésie a faites. Ils seront couchés plus chaudement, ceux qui les ont faites, oui, et pendant une longue éternité ! »

Malgré les expressions sauvages et étranges de cette femme, elle paraissait conserver à l’égard de Roland Græme cette affection, cet amour constant dont les femmes entourent leurs nourrissons et les enfants qui réclament leurs soins. Elle ne voulait lui laisser faire lui-même rien de ce que jadis elle avait l’habitude de faire pour lui ; et, dans le vigoureux jeune homme qu’elle avait sous les yeux, elle semblait toujours voir le débile nouveau-né qui jadis réclamait toute sa sollicitude.

« Qu’as-tu à manger maintenant ? » dit-elle en quittant la chapelle, pour entrer dans la demeure déserte du prêtre ; « quels moyens as-tu pour allumer du feu et te protéger contre cet air froid et rigoureux ? Pauvre enfant ! tu as fait peu de provisions pour un long voyage ; et tu n’as que peu de ressources en toi-même en ce temps qui n’en offre aucune. Mais Notre-Dame a mis à tes côtés celle à qui les besoins de tous genres sont aussi connus que l’étaient jadis l’abondance et la splendeur ; et avec le besoin, Roland, viennent les arts qu’il invente. »

Elle commença les arrangements domestiques du soir avec une diligence active et complaisante, qui contrastait étrangement avec le sérieux de sa dévotion catholique. Un sachet, qui était caché sous ses vêtements, fournit une pierre et un acier, et avec les débris qui l’entouraient, en exceptant scrupuleusement ceux de l’image de saint Cuthbert, elle obtint assez de bois pour allumer un feu pétillant et animé dans l’âtre de la cellule abandonnée.