Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/84

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— Alors, que ce ne soit rien contre la dame d’Avenel, ainsi que ton regard et tes paroles sembleraient l’intimer. J’ai mangé son pain, j’ai éprouvé sa faveur : je ne veux ni lui nuire ni la trahir.

— Nous verrons cela plus tard, mon fils ; mais apprends ceci, que ce n’est pas à toi à capituler avec le devoir, et à dire je ferai ceci et je laisserai cela. Non, Roland ! Dieu et l’homme ne peuvent plus souffrir la méchanceté de cette génération. Vois-tu ces fragments ? sais-tu ce qu’ils représentent ? et peux-tu penser que c’est à toi de faire des distinctions parmi une race maudite du ciel, qui renonce, viole, blasphème et détruit tout ce qu’on nous ordonne de croire, tout ce qu’on nous ordonne de révérer ? »

En parlant ainsi, elle courba la tête vers l’image brisée avec une vive expression de ressentiment et de zèle mêlés à une dévotion extatique ; elle leva la main gauche comme pour prononcer un vœu, et continua ainsi : « Soyez-moi témoin, bienheureux saint, dont nous occupons le temple souillé ; comme ce n’est pas pour ma propre vengeance que ma haine poursuit ce peuple, de même aucune faveur ni aucune affection terrestre envers aucun de ses membres ne me fera retirer la main de la charrue quand elle passera sur le sillon ! sois témoin, bienheureux saint, jadis errant et fugitif comme nous le sommes maintenant : sois témoin, mère de miséricorde, reine du ciel ; soyez témoins, vous tous, anges et saints ! »

Pendant ce discours plein d’enthousiasme, elle était, debout, les yeux levés vers la voûte brisée au travers de laquelle on apercevait les étoiles qui commençaient à briller dans le pâle crépuscule, tandis que les longues tresses grises qui pendaient sur ses épaules étaient agitées par la brise nocturne que les brèches des murailles et les fenêtres sans clôture laissaient entrer librement.

Roland Græme était trop dominé par ses premières habitudes, ainsi que par le sens mystérieux des paroles de sa mère, pour demander l’explication du projet dont elle parlait si obscurément. Elle ne le pressa pas davantage sur ce sujet ; car, ayant terminé sa prière ou sa conjuration en joignant les mains avec solennité, et en faisant le signe de la croix, elle s’adressa de nouveau à son petit-fils, mais d’un ton qui convenait plus aux affaires ordinaires de la vie.

« Il faut que tu partes, dit-elle, Roland, il faut que tu partes, mais pas avant le matin. Et comment t’arrangeras-tu pour passer la nuit ? Tu as été élevé plus doucement que lorsque nous étions