Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des larmes, moins sur ta mort que sur ton danger spirituel. Je n’osai même pas te voir pour te dire un dernier adieu. Ma douleur, ma vive douleur m’eût trahie devant ces hérétiques. Mais tu as été fidèle. À genoux, à genoux devant ce signe sacré que les méchants insultent et blasphèment ; à genoux, et remercie les anges et les saints de la grâce qu’ils t’ont faite en te préservant de la peste qui s’attache à la maison où tu as été élevé !

— Ma mère, car c’est ainsi que je dois toujours vous nommer, répondit Græme, si je te suis rendu tel que tu peux le désirer, tu le dois aux soins du pieux frère Ambroise, dont les instructions ont confirmé tes premiers préceptes, et m’ont appris tout à la fois à être fidèle et discret.

— Qu’il en soit béni ! s’écria-t-elle, béni dans la cellule et dans le champ, dans la chaire et à l’autel ! Puissent les saints faire pleuvoir leurs bénédictions sur lui ! Le ciel toujours juste emploie les soins pieux d’Ambroise pour contrebalancer les maux que l’œuvre détestable de son frère suscite contre le royaume et l’Église… Mais il ne connaissait pas ton lignage ?

— Je ne pouvais lui dire cela moi-même, répondit Roland ; je ne savais que très-obscurément par vos paroles que sir Halbert Glendinning tient mon héritage, et que je suis d’un sang aussi noble que le premier baron écossais. Ce sont des choses qui ne s’oublient pas, mais dont j’attends l’explication de vous-même.

— Et quand le temps viendra, tu ne la demanderas pas en vain. Mais les hommes disent, mon fils, que tu es prompt et hardi ; et l’on ne doit pas confier légèrement à de pareils caractères ce qui peut fortement les émouvoir.

— Dites plutôt, ma mère, que je suis calme et de sang-froid. Quelle patience pouvez-vous exiger dont ne soit capable celui qui pendant des années a entendu ridiculiser et insulter sa religion sans plonger son poignard dans le sein du blasphémateur ?

— Console-toi, mon enfant : le temps exigeait, il exige même encore une patience à toute épreuve ; mais il mûrit dans son sein l’heure du courage et de l’action ; de grands événements se préparent, et toi, toi-même, contribueras à les précipiter. Tu as renoncé au service de la dame d’Avenel ?

— J’en ai été renvoyé, ma mère ; j’ai vécu pour en être renvoyé comme si j’étais le moindre de la maison.

— Tant mieux, mon enfant ; ton âme n’en sera que plus endurcie pour entreprendre ce qu’il faut accomplir.