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du père Ambroise, en restant à l’abbaye, peut courir des dangers, il pourrait attraper quelque bon coup en voulant mettre le holà.

— Cela m’importe peu, jamais la crainte ne m’arrêtera. Une seule considération pourrait me retenir : en visitant le père Ambroise, je troublerai peut-être l’harmonie qui existe entre les frères. Je me rendrai donc ce soir à l’ermitage de Saint-Cuthbert ; le vieux anachorète m’y donnera l’hospitalité pour une nuit, et de là j’enverrai demander au père Ambroise s’il pense que je puisse me présenter au couvent.

— Par Notre-Dame ! ce plan est raisonnable, et maintenant, » continua le fauconnier, non sans une sorte d’embarras qui contrastait avec sa franchise ordinaire, comme s’il ne pouvait trouver les mots convenables pour exprimer sa pensée ; « et maintenant, monsieur Roland, pourriez-vous me dire avec quoi est doublé le sac dans lequel vous savez que je porte la nourriture de mes faucons ?

— Belle demande ! il est doublé de cuir certainement, » répondit Roland surpris de l’hésitation que Woodcock mettait à lui adresser une question si simple.

« De cuir, jeune homme ! reprit Woodcock, oui sans doute, mais d’argent aussi ! Voyez, voyez, » dit-il montrant une fente cachée dans la doublure de son sac. « Voici trente groats, en bel et bon argent ; dix sont à votre service, je vous les offre de bon cœur : qu’il m’en a coûté pour vous dire cela ! mais le mot est lâché, Dieu merci. »

Roland eut d’abord la pensée de refuser ce secours ; mais il se rappela le vœu d’humilité qu’il venait de faire, et il se persuada qu’il fallait user de l’occasion qui se présentait pour mettre sa résolution à l’épreuve. Tâchant donc de se maîtriser, il répondit à Adam Woodcock avec autant de franchise que son naturel lui permettait d’en montrer au moment où il faisait une pareille violence à ses sentiments, qu’il acceptait avec reconnaissance son offre généreuse. Cependant, pour que sa vanité sans cesse renaissante n’eût pas tant à souffrir, il ne put s’empêcher d’ajouter qu’il espérait être bientôt en état d’acquitter cette dette.

« À votre aise, à votre aise, jeune homme ! » dit le fauconnier d’un air de gaieté en lui comptant la somme si généreusement offerte. Puis il ajouta avec un enjouement sans égal : « Maintenant vous pourrez parcourir le monde ; car celui qui sait monter un cheval, donner du cor, diriger une meute, dresser un faucon,