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supporterai avec patience… Mais si ma bienfaitrice elle-même me jugeait assez bas, assez vil pour recourir à des supplications, non dans la seule vue d’obtenir d’elle mon pardon, mais pour faire renaître les avantages que m’accordait sa bienveillance… Elle, me soupçonner de bassesse ! non, je ne puis supporter cette idée. »

Il s’arrêta, et son orgueil, joint à l’opiniâtreté naturelle de son caractère, se révoltant contre les justes sentiments qui l’animaient, lui remontra que, bien loin de regagner la faveur de lady Avenel, il ne ferait qu’encourir ses dédains, en prenant le parti que lui avait dicté la première ardeur de son repentir.

« Si du moins, pensait-il, j’avais quelque prétexte plausible, quelque raison spécieuse qui fit voir que je ne retourne pas au château en suppliant dégradé, en valet congédié, je pourrais m’y présenter : mais ainsi, impossible ; mon cœur s’élancerait de ma poitrine en se brisant ! »

Il était plongé dans ses pensées lorsqu’un objet passa dans l’air assez près de lui pour raser les plumes de sa toque : ses yeux furent éblouis. Il leva la tête, et reconnut le faucon favori de sir Halbert, qui, voltigeant autour de sa tête, semblait réclamer son attention, comme celle d’un ami bien connu. Roland étendit le bras et appela l’oiseau, qui vint immédiatement se poser sur son poignet, où il se mit à lisser son plumage ; et de temps en temps son œil fauve dardait sur le jeune homme un regard vif et brillant qui, semblait demander pourquoi il ne le caressait pas avec sa tendresse ordinaire.

« Ah, Diamant ! » dit-il, comme si l’oiseau eût pu le comprendre, « nous serons désormais étrangers l’un à l’autre. Je t’ai vu accomplir de brillants exploits, je t’ai vu combattre et vaincre plus d’un brave héron ; mais maintenant tout est fini, à l’avenir il n’y aura plus pour moi de chasse au faucon.

— Et pourquoi pas ? monsieur Roland, » dit Adam Woodcock, le fauconnier, sortant d’un bouquet d’aunes qui l’avait jusqu’alors dérobé à la vue : pourquoi n’y aurait-il plus pour vous de chasse au faucon ? Que deviendriez-vous, camarade, s’il vous fallait renoncer aux plaisirs de la chasse ? Vous connaissez cette vieille chanson pleine de gaieté :

Plutôt que de passer sa vie
Libre en toute chose, sinon
De lancer son noble faucon,
De suivre sa même chérie,
Allan aimerait mieux souffrir