Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/73

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le cœur lui manqua tout à coup ; il s’assit sur le gazon, et loin du regard des hommes, il répandit des larmes abondantes et amères, s’abandonnant sans réserve à cette expression naturelle de la douleur, de la crainte et de la vanité blessée.

Enfin la violence des divers sentiments qui l’assiégeaient s’étant apaisée, le jeune homme, isolé, sans amis, éprouva ce soulagement du cœur qui succède d’ordinaire à une pareille explosion. Des larmes coulaient encore une à une le long de ses joues, mais elles n’avaient plus la même amertume. Bientôt le souvenir de sa bienfaitrice réveilla dans son cœur un sentiment triste, mais non sans douceur ; il se rappela son intarissable bonté, et l’attachement sincère dont il était l’objet de sa part, en dépit même de quelques actes d’étourderie : oh ! combien il se les reprochait maintenant ! ils lui paraissaient autant d’offenses impardonnables, adressées à celle qui l’avait protégé contre toute espèce de machination, contre les conséquences de ses propres folies, et qui certes n’eût pas cessé de lui accorder sa bienveillance, si l’excès d’une ridicule présomption ne l’eût contrainte à la lui retirer.

« Quelque cruelles que soient les humiliations que j’ai supportées, dit-il, je n’ai point à m’en plaindre ; elles ont été la juste récompense de mon ingratitude. Devais-je accepter l’hospitalité, et l’amour plus que maternel de ma protectrice ? Ne devais-je pas lui découvrir quelle était ma religion ? Au moins elle apprendra que la reconnaissance parle au cœur d’un catholique comme au cœur d’un puritain ; que si je me suis montré imprudent, je n’ai point été criminel ; qu’au milieu de mes extravagances je l’ai toujours aimée, respectée, honorée. Le malheureux orphelin a pu être coupable d’étourderie, mais d’ingratitude, jamais ! »

Roland, agité par ces diverses pensées, changea de direction, et se dirigea immédiatement et à pas précipités vers le château ; mais cette première ardeur, inspirée par le repentir, se dissipa bientôt quand il réfléchit au dédain et au mépris qui accueilleraient indubitablement son retour. « Fugitif, humilié, il vient, dirait-on, demander en suppliant le pardon de ses fautes, et solliciter la permission de reprendre son service. » Alors il ralentit sa marche sans s’arrêter cependant.

Prenant ensuite une détermination plus ferme : « Eh bien ! dit-il, qu’on me montre au doigt, qu’on me raille, qu’on me méprise, que l’on parle de mon amour-propre blessé, de mon orgueil humilié ! que m’importe ? c’est une expiation de mes folies ; je la