Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/67

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envers elle : c’est ainsi que pensent les Hamilton dans l’Ouest, et quelques-uns de nos dans des frontières ; et les Gordon, dans le Nord, qui tous désirent voir un nouvel ordre de choses. Or, si par hasard ce nouvel ordre de choses arrive, il est probable que la reine reprendra sa couronne, et que la messe et les croix se relèveront ; et alors à bas les chaires, les robes de Genève, et les bonnets de soie noire.

— Et vous, monsieur Jasper Wingate, dit Lilias, vous qui avez entendu la parole et écouté le pur et précieux M. Henri Warden, pouvez-vous bien déclarer, ou seulement penser sans frémir, que le papisme tombera sur nous comme une tempête, ou que la femme Marie fera de nouveau du trône royal d’Écosse un trône d’abomination ? Je ne m’étonne pas que vous soyez si poli envers ce moine encapuchonné, lorsqu’il vient ici avec ses yeux baissés qu’il ne lève jamais sur la figure de milady, avec sa douce petite voix, ses souhaits et ses bénédictions. Qui accueillerait tout cela au château, si ce n’est maître Wingate ?

— Mistress Lilias, » dit le majordome du ton d’un homme qui se propose de clore la discussion, « il y a raison pour tout. Si j’ai reçu le père Ambroise avec complaisance, et si j’ai souffert qu’il eût, de temps en temps et comme à la dérobée, quelques moments de conversation avec ce Roland Græme, ce n’est pas que je me souciasse le moins du monde de sa bénédiction ou de sa malédiction, mais seulement par respect pour le sang de mon maître. Dans le cas où Marie reviendrait, qui sait s’il ne nous offrira point à son tour un appui solide, comme celui que son frère nous a prêté jusqu’ici ? Car c’en est fait du comte de Murray si la reine recouvre ce qui lui appartient : heureux encore s’il peut conserver sa tête sur ses épaules ! Puis tombe notre chevalier, avec le comte son patron ; et qui doit s’asseoir sur la selle vide, si ce n’est ce père Ambroise ? Le pape de Rome peut le relever promptement de ses vœux, et alors nous aurions sir Édouard le guerrier, au lieu d’Ambroise le moine. »

La colère et l’étonnement empêchaient Lilias de parler pendant que son vieil ami, avec l’air d’un amour-propre satisfait, lui faisait part de ses spéculations politiques. Enfin, elle fit éclater son courroux et son mépris : « Quoi ! maître Wingate, s’écria-t-elle, avez-vous mangé le pain de ma maîtresse, sans parler de celui de mon maître, pendant un si grand nombre d’années, pour penser qu’elle puisse être dépossédée de son château d’Avenel par un