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ce fût, ici ni ailleurs ; elle se serait laissée périr plutôt sur la bruyère stérile. Nous avons été pillés et chassés de notre maison, malheur qui est arrivé ailleurs et à d’autres. Le château d’Avenel, avec son lac et ses tours, n’a pas toujours pu garantir ses habitants contre le besoin et la désolation.

— Écoutez donc cette effronterie ! s’écria Lilias ; il reproche à milady les désastres de sa famille !

— Il aurait pu être assez reconnaissant pour m’épargner le désagrément d’un pareil souvenir, » dit la dame, affectée néanmoins de l’allusion.

— Cet appel était nécessaire pour ma justification, répliqua le page, sans quoi je n’aurais pas même prononcé un seul mot qui pût vous causer de la peine. Mais croyez, ma très-honorée dame, que je ne suis point d’un sang vulgaire. Je ne connais point mon propre lignage ; mais la seule parente qui me reste a dit, et mon cœur l’a répété et me l’atteste encore : oui, je suis issu d’un sang noble et qui mérite d’être traité comme tel.

— Et c’est sur une assurance aussi vague, dit la dame, que vous prétendez avoir droit à tous les égards, à tous les privilèges qui sont dus à un rang élevé et à une naissance distinguée, et que vous vous croyez en droit de jouir de prérogatives qui ne sont l’apanage que de la noblesse ? Allez, monsieur, rentrez en vous-même, ou le majordome vous fera connaître que vous êtes sujet à être châtié comme un impertinent garçon. Vous avez trop peu connu la discipline qui convient à votre âge et à votre situation.

— Le majordome connaîtra mon poignard avant que je connaisse sa discipline, » dit le page s’abandonnant à la colère qu’il avait réprimée jusqu’alors. « Madame, j’ai été trop long-temps le vassal d’une pantoufle et l’esclave d’un sifflet d’argent ; cherchez un autre que moi qui réponde à votre appel ; qui soit surtout d’une naissance assez basse et d’un esprit assez vil pour se soumettre au mépris de vos domestiques, et reconnaître un vassal de l’Église en qualité de maître.

— J’ai mérité cette insulte, » dit la dame d’Avenel, dont le visage se couvrit d’une vive rougeur ; « je l’ai méritée pour avoir si long-temps souffert et nourri votre insolence. Retirez-vous, monsieur, sortez de ce château ce soir même ; je vous fournirai des moyens de subsistance jusqu’à ce que vous ayez trouvé quelque manière honnête de pourvoir à vos besoins ; quoique je