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— Si elle vous a offensée, madame, j’en suis profondément affligé, répondit le jeune homme.

— N’avoir offensé que moi seule, répliqua la dame, ce serait peu de chose ; mais vous vous êtes rendu coupable d’une conduite qui offensera grièvement votre maître, d’actes de violence contre vos camarades, et de manque de respect envers Dieu lui-même en la personne de son ministre.

— Permettez-moi de répéter, dit le page, que, si j’ai offensé mon unique maîtresse, mon unique amie, mon unique bienfaitrice, en cela seul consiste toute ma faute, cela seul mérite mon châtiment. Sir Halbert Glendinning ne me regarde point comme son serviteur, et je ne le regarde point comme mon maître : il n’a pas le droit de me blâmer d’avoir châtié un insolent palefrenier. Quant au reste, je ne redoute point le courroux du ciel pour avoir traité avec dédain l’impertinente intervention d’un prédicateur intrigant. »

La dame d’Avenel avait déjà remarqué dans son jeune favori des symptômes de pétulance naturelle à son âge, et de l’impatience toutes les fois qu’il écoutait la censure ou le reproche ; mais sa conduite actuelle avait un caractère plus grave et plus marqué, et elle fut un moment embarrassée de savoir comment elle devait traiter le jeune homme qui paraissait avoir pris tout-à-coup le caractère, non seulement d’un homme fait, mais d’un homme hardi et déterminé. Elle garda le silence pendant quelques secondes, puis, de l’air de dignité qui lui était naturel : « Est-ce bien à moi, Roland, dit-elle, que vous tenez un pareil langage ? est-ce pour me faire repentir de la faveur que je vous ai montrée que vous vous déclarez indépendant d’un maître terrestre et d’un maître céleste ? Avez-vous oublié ce que vous étiez, et à quoi la perte de ma protection vous réduirait de nouveau ?

— Milady, répondit le page, je n’ai rien oublié. Je ne me souviens que de trop de choses. Je sais que sans vous j’aurais péri dans ces eaux bleuâtres, » et il indiquait le lac que l’on voyait par la fenêtre, agité par un vent d’ouest. « Votre bonté a été plus loin, madame ; vous m’avez protégé contre la malice des autres et contre ma propre folie. Vous êtes libre, si vous le voulez, d’abandonner l’orphelin que vous avez élevé. Il n’est rien que vous n’ayez fait pour lui, et il ne se plaint de rien. Et cependant, madame, ne pensez pas que je me sois rendu coupable d’ingratitude. J’ai enduré, de mon côté, ce que je n’aurais enduré pour aucune autre personne.