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caractère. Une violence excessive ne s’accordait guère avec une constante hypocrisie, quoique Lilias donnât charitablement à entendre que, dans certaines circonstances, ces deux vices s’alliaient parfaitement ensemble. Et cela posé, lady Avenel ne pouvait s’en rapporter exactement à des propos et à des rapports directement contraires à son expérience et à son observation. La pensée de cet orphelin s’était attachée à toutes les fibres de son cœur et le remplissait d’une tendresse dont elle ne pouvait elle-même se rendre raison. Il semblait lui avoir été envoyé du ciel pour remplir ces intervalles de langueur et de vide qui revenaient sans cesse après de courts moments de jouissance. Peut-être lui était-il plus cher parce qu’elle voyait qu’il n’était aimé d’aucune autre personne, et qu’elle sentait que l’abandonner serait fournir à son mari et aux ennemis de l’enfant une occasion de triompher de la prééminence de leur jugement sur le sien : circonstance qui n’est jamais tout à fait indifférente au meilleur des époux de l’un ou de l’autre sexe.

En un mot, la dame d’Avenel résolut intérieurement de ne pas abandonner son page aussi long-temps que son page pourrait raisonnablement être protégé. Et pour s’assurer de ce qui restait à faire à cet égard, elle donna ordre qu’on l’amenât en sa présence.


CHAPITRE V.

le départ du page.


Dans une violente tempête, le marinier coupe son mât, et le marchand jette au milieu des agrès les marchandises qu’il regardait auparavant comme précieuses. De même le prince et le seigneur, au milieu des troubles populaires, sacrifient leurs favoris.
Ancienne comédie.


Il se passa quelque temps avant que Roland Græme se présentât. La personne chargée de l’appeler (c’était son ancienne amie Lilias) avait d’abord essayé d’ouvrir la porte de son petit appartement, dans le charitable dessein sans doute de jouir de la confusion du coupable. Mais un morceau de fer carré, appelé verrou, tiré en dedans de la porte l’empêcha de satisfaire cette bonne in-