Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/448

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regarde sera approfondi… mais nous ne devons pas quitter la reine… suis-moi… remplissons notre devoir, et pour ce qui en arrivera, remettons-nous à la grâce de Dieu… Adieu, bon père… je reviendrai bientôt vous visiter. »

Tandis qu’il sortait du jardin, suivi de Roland qui l’accompagnait avec répugnance, l’ex-abbé reprit sa bêche.

« Leur sort m’afflige et celui de cette pauvre reine aussi, murmurait-il ; mais que sont les peines d’ici-bas pour un homme de quatre-vingts ans ?… D’ailleurs, il a tombé une belle rosée ce matin : c’est le temps qui convient pour semer nos choux de primeur.

— L’âge l’accable, dit Ambroise en entraînant Roland vers le bord de la mer ; il faut que nous lui laissions le temps de se recueillir nous ne devons maintenant penser qu’au sort de la reine. »

Ils arrivèrent bientôt dans le salon où Marie se trouvait entourée de sa petite cour, et ayant à ses côtés le shériff du Cumberland, gentilhomme de la maison de Lowther, richement habillé et accompagné de soldats. La figure de la reine offrait un singulier mélange de joie et de répugnance pour son départ. Son langage et ses gestes parlaient d’espérance et de consolation à ses suivants ; et elle semblait chercher à se persuader que la démarche qu’elle allait faire était pour sa sûreté, que la promesse qu’elle avait reçue d’un accueil favorable était une garantie plus que satisfaisante ; mais ses lèvres tremblantes et ses yeux incertains trahissaient à la fois la peine qu’elle éprouvait de quitter l’Écosse, et ses craintes de se confier à la foi douteuse de l’Angleterre.

« Soyez le bienvenu, seigneur abbé, dit-elle, et vous Roland d’Avenel, nous avons de bonnes nouvelles à vous donner : l’officier de notre aimable sœur nous offre, en son nom, un sûr asile contre les rebelles qui nous ont chassée de notre royaume. Seulement je suis affligée qu’il faille nous séparer pendant un peu de temps.

— Nous séparer, madame ! s’écria l’abbé ; est-ce donc vous accueillir convenablement en Angleterre que de commencer par diminuer votre suite et vous contraindre de renvoyer vos fidèles conseillers ?

— Ne pensez pas ainsi, bon père, répliqua Marie. Le gouverneur et le shériff, serviteurs fidèles de ma royale sœur, jugent nécessaire d’obéir à ses ordres, même à la lettre, dans la circonstance présente, et ne peuvent recevoir que moi et mes femmes.