Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/443

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punir de son affection pour une infortunée telle que moi. Cessez vos prières, tout m’importune ; je ne veux point fuir d’un pas ; je ne dois, je ne puis mourir qu’une fois, et c’est ici que je veux mourir. »

Pendant qu’elle parlait ainsi, ses larmes ruisselaient sur la figure du chevalier mourant. Pour lui, il tenait constamment fixés sur la reine des yeux dans lesquels brillait encore le feu d’une passion que la mort qui s’approchait ne pouvait éteindre. « Ne vous affligez pas ainsi pour moi, » dit-il d’une voix si faible qu’on l’entendait à peine ; « c’est à votre sûreté qu’il faut penser. Je meurs en Douglas, et je meurs pleuré de Marie Stuart ! »

Il expira en prononçant ces mots, sans détourner les yeux de dessus cette figure adorée. La reine portait un cœur formé par la nature pour la bonté et la tendresse ; et, dans la vie privée, avec un époux plus convenable à cette trempe d’âme que Darnley, elle aurait fait le bonheur d’un homme, elle restait immobile, et arrosait de ses larmes le corps inanimé, quand elle fut rappelée à elle-même par l’abbé, qui cette fois trouva nécessaire d’user envers elle d’une remontrance plus forte qu’en toute autre circonstance. « Nous aussi, madame, dit-il, nous, dévoués serviteurs de Votre Grâce, nous avons aussi des amis et des parents à pleurer. Je laisse un frère dans un danger imminent ; l’époux de lady Fleming, le père et les frères de lady Catherine, sont tous sur le champ du carnage, ou tués ou prisonniers. Nous oublions le malheureux sort de ce que nous avons de plus proche et de plus cher, pour servir notre reine, tandis qu’elle, tout occupée de ses propres douleurs, ne nous donne pas la moindre place dans sa pensée.

— Je ne mérite point un tel reproche, mon père, » répondit la reine en essuyant ses pleurs : « je serai docile à votre remontrance : où faut-il aller, que faut-il faire ?

— Il nous faut fuir, et sur-le-champ, reprit l’abbé ; dire où, n’est pas si facile ; mais sur la route nous discuterons ce point important. Allons, mettez la reine sur la selle, et retirons-nous. »

On partit ; Roland seul différa un moment, afin de mettre le chevalier d’Avenel et sa suite sur la route du château de Crookstone, et d’avoir le temps de lui dire que tout ce qu’il demandait de lui pour prix de sa liberté était sa seule parole que lui et ses compagnons garderaient le secret sur la direction que la reine avait prise dans sa fuite. Comme il tournait la bride de son cheval pour partir, l’excellente physionomie d’Adam Woodcock, qui le