Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/44

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lui laver son manger plus tôt, et c’est ce qui est connu de tous ceux qui distinguent un milan d’un faucon.

— Mauvaise excuse pour ta paresse, traître d’Anglais, qui ne fais que boire et dormir, répliqua le page, et qui laisses à ce fainéant tout l’ouvrage, auquel il ne prête pas plus d’attention que toi.

— Et suis-je donc si paresseux, dit le fauconnier, moi qui ai trois couples de faucons à soigner sur la perche et à la mue, et à dresser au vol dans les champs, par dessus le marché ? Et le page de milady est-il donc si affairé pour qu’il vienne ici me faire une réprimande ? Ah ! je suis un traître d’Anglais ! et tu n’es, toi, ni Anglais ni Écossais ; ni chair ni poisson ; un bâtard du territoire contesté, sans famille, parents ni alliés. Foin de toi ! mauvais épervier, qui voudrais passer pour un bon faucon ! »

La réplique à ce sarcasme fut un soufflet si bien appliqué qu’il culbuta le fauconnier dans le bassin où l’on tenait de l’eau pour l’usage de ses oiseaux. Adam Woodcock se releva, et, saisissant un bâton qui se trouvait à sa portée, il se mit en devoir de venger son injure. Mais Roland mit aussitôt la main sur son poignard, et jura, par tout ce qu’il y avait de plus sacré, que, si son adversaire tentait de lui porter un coup, il lui enfoncerait le fer dans les entrailles. Le bruit devint si grand que plus d’un domestique accourut, et entr’autres le majordome, grave personnage dont nous avons déjà fait mention : une chaîne d’or et une baguette blanche annonçaient son autorité. À l’arrivée de ce dignitaire, la querelle s’apaisa pour l’instant. Il profita néanmoins d’une occasion aussi favorable pour adresser à Roland Græme une sévère réprimande sur l’inconvenance de sa conduite envers ses camarades : il l’assura que s’il venait à faire connaître cette affaire à son maître (qui bien qu’absent pour le moment, comme cela lui arrivait assez fréquemment, était attendu de jour en jour), la résidence du coupable au château d’Avenel n’aurait qu’une bien courte durée. « Cependant, » ajouta le prudent majordome, « mon respect pour milady m’engage à lui faire avant tout mon rapport.

— C’est juste, vous avez raison, maître Wingate, » s’écrièrent plusieurs voix en même temps ; « milady jugera si des poignards doivent être tirés contre nous pour un mot dit sans intention, et si nous devons vivre dans une maison bien ordonnée et pleine de la crainte de Dieu, ou bien au milieu de dagues nues et de couteaux tranchants. »

L’objet du ressentiment général lança un regard courroucé au-