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défilaient devant elle, pour se précipiter sur l’ennemi avec les mêmes sentiments de rivalité que nous avons déplorés dans Arbroath et Seyton. Mais à peine le chevalier noir eut-il murmuré quelques mots à l’oreille de la reine qu’elle se rendit à ce qu’il lui disait ; et alors il s’écria d’un air impérieux : « Gentilshommes, la reine veut que vous me suiviez ! » Marie fit entendre avec une sorte d’empressement ce seul mot : « Oui. »

Aussitôt la petite troupe se mit en mouvement. Le chevalier noir, quittant cette espèce d’apathie qu’indiquait d’abord son maintien, piqua son cheval, le fit caracoler et tourner si court, qu’on vit que le cavalier était parfaitement maître de sa monture : alors, rangeant la petite suite de la reine dans un meilleur ordre de marche, il la conduisit sur la gauche, vers un château qui, couronnant une éminence belle et imposante, avait une vue magnifique sur le pays d’alentour et particulièrement sur les hauteurs que se hâtaient d’occuper les deux armées, et qui semblaient devoir être bientôt le théâtre du combat.

« Ces tours, » dit l’abbé interrogeant le chevalier noir, « à qui appartiennent-elles ? Est-ce à des amis ?

— Elles n’ont point de propriétaire, répliqua l’étranger, ou du moins elles ne sont pas entre des mains ennemies. Mais priez les jeunes gens, seigneur abbé, de se hâter davantage. Ce n’est pas l’instant de satisfaire leur curiosité en regardant un combat auquel ils ne doivent pas prendre part.

— Tant pis pour moi, dit Henri Seyton qui l’entendit : j’aimerais mieux être à présent sous la bannière de mon père que d’être créé chambellan d’Holy-Rood, pour me récompenser d’avoir rempli avec patience ma présente fonction de paisible gardien.

— Votre place sous la bannière de votre père sera bientôt des plus dangereuses, » dit Roland d’Avenel, qui, tout en poussant son cheval du côté de l’ouest, avait encore les regards tournés vers les armées ; « car je vois un corps de cavalerie qui, venant du levant, atteindra le village avant que lord Seyton puisse y arriver.

— Eh bien ! ce n’est que de la cavalerie, dit Seyton ; elle ne peut demeurer dans le village sans arquebuses.

— Regardez plus attentivement, reprit Roland ; vous verrez que chaque cavalier qui vient avec tant de rapidité de Glasgow porte en croupe un fantassin.

— Par le ciel, il a raison ! s’écria le chevalier noir ; un de vous deux doit porter cette nouvelle à lord Seyton et à lord Arbroath,