Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/407

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moi fidèle ; beaucoup m’ont trahie. Hélas ! je me suis trahie quelquefois moi-même. Mon imagination m’a toujours dit que je mourrai dans les fers, et que cette tentative hardie doit nous coûter la vie à tous. Un devin m’a prédit en France que je mourrai en prison d’une mort violente, et voici l’heure qui arrive. Oh ! que Dieu m’y trouve préparée !

— Madame, dit Catherine Seyton, rappelez-vous que vous êtes reine. Il est mieux que nous mourrions tous en cherchant noblement à reconquérir notre liberté, que de rester ici pour y être empoisonnés comme des rats dont on veut débarrasser une vieille maison.

— Vous avez raison, Catherine, répondit la reine ; et Marie se conduira comme elle le doit. Mais, hélas ! votre esprit jeune et ardent peut mal interpréter les causes qui ont abattu le mien. Pardon, mes enfants : adieu pour quelques instants ; je vais préparer mon esprit et mon corps à cette périlleuse tentative. «

Ils se séparèrent jusqu’au moment où la cloche qui annonçait le couvre-feu vint les rassembler de nouveau. La reine était grave, mais ferme et résolue : lady Fleming, avec l’art d’un habile courtisan, savait parfaitement voiler ses terreurs secrètes ; quant à Catherine, ses yeux étincelaient, comme enflammés par la hardiesse de l’entreprise, et un sourire errant sur ses jolies lèvres exprimait son mépris de tout danger. Roland, qui sentait combien le succès dépendait de son adresse et de son audace, rassemblait toute sa présence d’esprit, et, s’il sentait son courage s’abattre pour un instant, il jetait un regard sur Catherine, qui ne lui avait jamais paru si belle. « Je puis ne point réussir, pensait-il ; mais espérant une telle récompense, il faudra que nos ennemis appellent le diable à leur aide pour venir à bout de moi. » Ayant pris une telle résolution, il se tint comme un chien de chasse à la piste : sa main, son cœur et ses yeux prêts à saisir la moindre occasion favorable à ses projets.

Les clefs avaient été présentées à lady Lochleven avec le cérémonial accoutumé. La fenêtre du salon, comme celle de l’appartement de la reine, donnait sur Kinross et sur l’église située près du lac, à quelque distance de la ville, à laquelle elle était réunie par un chemin bordé de quelques chaumières. Lady Lochleven regardait avec plus d’attention que de coutume l’immense et lourd paquet de clefs, instrument de tant de souffrances (ou du moins les prisonniers se le figuraient ainsi dans leur impatience