Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/40

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rel, un amusement plutôt qu’une étude ; et l’on aurait dit qu’il acquérait accidentellement et par saillies les talents qu’une instruction sérieuse et régulière, accompagnée de fréquentes réprimandes et quelquefois de châtiments, procurait à peine à tous les autres. Il obtint de tels succès dans les exercices militaires ou les arts de l’époque, auxquels il trouva convenable de s’appliquer, qu’il étonnait les personnes qui ignoraient qu’un enthousiasme ardent tient souvent lieu d’application constante. Ainsi les jeunes gens qui apprenaient d’une manière plus régulière le maniement des armes, l’équitation et les autres exercices en honneur à cette époque, avaient peu de raison de se vanter de leur supériorité : quelques heures et l’action puissante d’une volonté énergique semblaient faire pour Roland Græme plus que des semaines de leçons régulières ne pouvaient faire pour les autres.

Ce fut avec ces avantages, si l’on pouvait effectivement leur donner ce nom, que le caractère du jeune Roland se développa rapidement. Il était hardi, absolu, tranchant et impérieux, généreux quand on ne lui résistait et qu’on ne le contrariait en rien ; véhément et emporté quand on le censurait, ou qu’on s’opposait à sa volonté. Il se considérait comme n’étant attaché à personne, comme ne devant compte de ses actions à personne, excepté seulement à sa maîtresse : encore avait-il peu à peu acquis sur l’esprit de la dame cette espèce d’ascendant, suite si naturelle d’une trop grande indulgence. D’ailleurs, bien que les serviteurs et les vassaux immédiats de sir Halbert Glendinning vissent cet ascendant avec jalousie, et profitassent de toutes les occasions pour mortifier la vanité du beau page, il ne manquait pas d’autres personnes disposées à se concilier les bonnes grâces de la dame d’Avenel, en flattant et en soutenant le jeune homme qu’elle protégeait. Si, comme un poète nous l’assure, un favori n’a point d’ami, du moins il ne manque guère de courtisans et de flatteurs.

Mais c’était surtout parmi les habitants du petit hameau des bords du lac que Roland Græme s’était fait un parti puissant. Comparant leur propre situation avec celle des hommes immédiatement et constamment attachés au chevalier, qui le suivaient dans ses fréquents voyages à Édimbourg et ailleurs, ces villageois prenaient plaisir à se considérer et à se représenter de leur côté comme les vassaux de lady Avenel plutôt que ceux de son mari. Il est vrai que la prudence et l’affection de cette digne épouse ne les encourageaient nullement dans leurs tentatives à faire ressor-