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miennes. Je ne blâme ni le secours que vous avez donné à l’enfant, ni les bontés que vous avez pour lui ; mais je pense que, vu sa naissance et ses espérances, vous ne devez pas le traiter avec une tendresse excessive ; elle ne servirait qu’à lui inspirer des idées qui ne conviendraient point à l’humble situation pour laquelle le ciel l’a fait naître.

— Mais, mon cher Halbert, répliqua lady Avenel, je vous en prie, regardez cet enfant, et voyez s’il n’a pas l’air d’avoir été destiné par le ciel à être quelque chose de plus noble qu’un simple paysan. Ne peut-il pas être réservé, comme d’autres l’ont été, à s’élever d’une humble condition aux honneurs et aux distinctions ?… »

Elle en était là, lorsque l’idée qu’elle marchait sur un terrain délicat se présenta tout-à-coup à elle et lui dicta le parti le plus naturel, mais en même temps le plus mauvais de tous en pareille occasion, celui de s’arrêter tout court dans l’explication qu’elle avait commencée. Son front se colora et celui de sir Halbert Glendinning se couvrit d’un léger nuage, mais ce ne fut que pour un instant, car il était incapable de se méprendre sur les sentiments de son épouse, ou de supposer qu’elle eût eu l’intention de le mortifier.

« Il en sera ce que vous voudrez, mon amour, répliqua-t-il ; je vous dois trop pour vous contredire en rien de ce qui peut rendre plus supportable votre vie solitaire. Faites de cet enfant tout ce que vous jugerez convenable ; vous êtes parfaitement libre à cet égard. Mais souvenez-vous que c’est votre pupille et non le mien ; souvenez-vous qu’il a des bras pour être utile aux hommes, une âme et une bouche pour adorer Dieu ; élevez-le donc de manière à ce qu’il soit fidèle à son pays et au ciel ; et quant au reste, disposez-en comme vous l’entendrez ; ce sera votre affaire. »

Cette conversation décida du sort de Roland Græme, à qui, depuis cette époque, le maître du manoir d’Avenel fit peu d’attention, tandis que la maîtresse continua de le favoriser et de le gâter.

Elle eut des suites importantes, et dans le fait elle contribua à mettre le caractère de l’enfant dans tout son jour, accompagné de toutes ses ombres. Comme le chevalier lui-même semblait renoncer à toute surveillance à l’égard du favori de son épouse, le jeune Roland se trouva dès-lors exempt de cette discipline sévère à laquelle, comme attaché au service d’un grand seigneur écos-