Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/365

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serviteur de votre maison… Au surplus, dès la première fois que je vis son visage, il me tarda de lui donner la mort.

— Quel monstre ai-je gardé sous mon toit ? Que Dieu me pardonne le péché de t’avoir nourri et vêtu !

— Vous n’aviez pas le choix, milady. Long-temps avant que ce château fût bâti… oui, et long-temps avant que cette île qui le le porte eût montré sa tête au-dessus de l’eau bleuâtre, j’étais destiné à être votre fidèle esclave, et vous à être mon ingrate maîtresse. Ne vous rappelez-vous pas qu’un jour, c’était du temps de la mère de cette dame, je me jetai au milieu des Français victorieux, et en ramenai votre mari, quand ceux qui avaient été nourris au même sein que lui n’osaient rien faire pour le délivrer ? Vous rappelez-vous encore comment une autre fois l’esquif de votre petit-fils ne pouvant plus résister à la tempête, je me jetai dans le lac, dirigeai le bateau, et l’amenai au rivage ? Milady… le serviteur d’un baron écossais est un homme qui ne ménage ni sa vie, ni celle d’autrui, pour sauver celle de son maître… Et quant à la mort de cette femme, j’aurais essayé beaucoup plus tôt la potion sur elle, si maître George n’eût pas dû y goûter. Sa mort… ne serait-ce pas la meilleure nouvelle qu’on pût apprendre à l’Écosse ? n’est-elle pas de la race sanguinaire des Guises, dont l’épée a été si souvent rougie par le sang de nos saints ? n’est-elle pas la fille du misérable tyran Jacques, que le ciel a précipité de son trône, et dont il a puni l’orgueil comme il punit celui du roi de Babylone ?

— Paix, scélérat ! » dit-elle… Mille souvenirs se présentèrent à son esprit quand elle entendit citer le nom de son royal amant. « Paix ! ne trouble pas la cendre des morts… du mort royal et infortuné. Lis ta Bible, et prie Dieu qu’il te fasse mieux profiter de son contenu que tu ne l’as encore fait. »

Elle sortit précipitamment, et en arrivant dans l’appartement voisin, les larmes coulèrent si abondamment de ses yeux, qu’elle fut contrainte de s’arrêter et de prendre son mouchoir pour les sécher. « Je ne m’attendais pas à ceci, dit-elle, pas plus qu’à tirer de l’eau du caillou, ou la moelle de la branche sèche. J’ai vu d’un œil sec l’apostasie et la honte de George Douglas, l’espoir de la maison de mon fils, l’enfant de mon amour ; et maintenant je pleure celui qui repose depuis si long-temps dans la tombe… celui à qui je dois les insultes de sa fille ! Mais elle est sa fille… Mon cœur, endurci contre Marie par tant de causes, s’attendrit lors-