Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/35

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représentaient de temps en temps, et ils n’échappaient pas à l’observation inquiète de son épouse.

« Si le ciel nous eût accordé des enfants, » se disait-elle dans ces tristes moments ; « si notre sang se fut mêlé dans un fils qui eût réuni les avantages de ma naissance et le mérite personnel de mon mari, ces réflexions pénibles et importunes n’auraient jamais troublé notre union ; mais un pareil héritier, dans lequel nos affections, aussi bien que nos intérêts, se seraient concentrés, est un bien qui nous a été refusé. »

Animée de pareils sentiments, lady Avenel ne pouvait voir sans chagrin que les pensers de son époux se dirigeaient vers ce sujet de leurs regrets communs. Dans cette occasion, comme dans toutes les autres, elle s’efforça de détourner le cours désagréable des réflexions d’Halbert.

« Comment pouvez-vous, lui dit-elle, vous appesantir sur des idées qui ne mènent à aucun résultat ? Est-il donc bien vrai que vous n’ayez point de nom à soutenir ? Vous, vaillant et brave, sage dans le conseil et fort dans la bataille, n’avez-vous pas à soutenir une réputation que vous vous êtes acquise par vos propres exploits, réputation plus honorable que celle qu’on doit uniquement à une longue suite d’ancêtres ? Les hommes de bien vous aiment et vous honorent, les méchants vous craignent et les turbulents vous obéissent ; et ne faut-il pas que vous fassiez tous vos efforts pour vous assurer la continuation de cet amour, de cet honneur, de cette crainte salutaire, de cette obéissance nécessaire ? »

Tandis qu’elle parlait ainsi, l’œil de son mari puisa dans le sien du courage et de la résignation ; le regard d’Halbert brilla d’une vive étincelle, et, lui prenant la main, il lui dit : « Cela est très-vrai, ma bonne Marie : je mérite le reproche que tu me fais d’oublier ce que je suis, en murmurant parce que je ne suis pas ce que je ne puis être. Je me vois maintenant au point où se sont trouvés leurs ancêtres les plus renommés. Certes, il est plus honorable de pouvoir dire que l’on possède les qualités nécessaires au fondateur d’une maison, que d’être le descendant d’une famille qui les possédait quelques siècles auparavant. Le Hay de Loncarty, qui légua son joug sanglant à sa lignée ; l’Homme-Noir, qui fut le premier fondateur de la maison de Douglas, ne pouvaient se glorifier d’une suite d’ancêtres aussi longue même que la mienne. Car tu le sais, Marie, mon nom tire son origine