Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Ils hésitent ! dit Marie, sauve-toi, Douglas, je te l’ordonne ! » À ces mots, il se releva, et, s’écriant : « Ma vie ou ma mort vous appartiennent ! « il tira son épée, et se fit jour à travers les domestiques qui étaient entre lui et la porte. Son mouvement fut trop subit et trop vigoureux, pour qu’on pût y mettre obstacle sans recourir à la violence ; et comme il était à la fois aimé et redouté des vassaux de son père, nul d’entre eux n’osa lui faire de mal. La dame de Lochleven restait stupéfaite de cette fuite soudaine : « Suis-je donc entourée de traîtres ? s’écria-t-elle ; poursuivez le scélérat ! qu’on l’atteigne ! qu’on le poignarde ! qu’on le tue !

— Il ne peut quitter l’île, madame, objecta Dryfesdale ; j’ai la clef de la chaîne du bateau. »

Mais deux ou trois voix de ceux qui poursuivaient le fugitif, soit par curiosité ou pour obéir à leur maîtresse, s’écrièrent d’en bas qu’il s’était précipité dans le lac.

« Brave Douglas ! s’écria la reine, ô libre et noble cœur qui préfères la mort à la captivité !

— Feu sur lui ! dit la dame de Lochleven ; s’il est ici un vrai serviteur de son père, qu’il donne la mort au fuyard, et que le lac ensevelisse notre honte. »

On entendit le bruit d’un ou deux coups de fusil qu’on avait tirés plutôt pour avoir l’air d’obéir à la dame, que pour atteindre le but indiqué ; et Randal, rentrant aussitôt, dit que M. George avait été recueilli par une barque qui se trouvait à peu de distance.

« Montez un esquif, et poursuivez-les, dit la dame.

— Ce serait tout à fait inutile, répliqua Randal ; ils sont à présent à moitié chemin de la rive, et la lune est cachée dans un nuage.

— Et le traître est échappé ! » s’écria la dame en portant ses mains à son front avec un geste de désespoir ; « l’honneur de notre maison est perdu à jamais, et tous seront accusés de complicité dans cette vile trahison !

— Dame de Lochleven, » dit Marie en s’avançant vers elle, « cette nuit même, vous avez anéanti mes plus belles espérances, vous avez changé en esclavage la liberté sur laquelle je comptais, et jeté loin de moi la coupe du bonheur, à l’instant où je croyais l’approcher de mes lèvres ; et cependant j’éprouve pour votre douleur la pitié que vous refusez à la mienne : ce serait avec joie que je vous consolerais, s’il était en mon pouvoir ; mais je voudrais au moins vous quitter en chrétienne.