Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/337

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moyen était de porter ses yeux vers la tour, et d’épier la lumière vacillante qui partait de la croisée de l’appartement de Catherine Seyton : elle disparaissait chaque fois que la belle habitante passait entre la lampe et la croisée. Enfin on enleva la lumière ou on l’éteignit, et notre amant perdit encore ce sujet de méditation. Oserais-je avouer le fait sans nuire à son caractère, en qualité de héros de roman ? Ses yeux s’appesantirent graduellement ; ses doutes spéculatifs sur des points de controverse religieuse, et les conjectures inquiétantes qu’il formait sur l’amour de sa maîtresse, se mêlèrent confusément dans ses rêveries : les fatigues d’une journée active l’emportèrent enfin sur ces réflexions pénibles, et il s’endormit profondément.

Son sommeil fut tranquille jusqu’à ce que tout à coup il fut interrompu par la langue de fer de la cloche du château : le son lugubre et prolongé s’étendait sur le lac, et éveillait les échos de Bennarty, nom de la colline qui descend rapidement sur la rive du sud. Roland se leva en sursaut, car on sonnait toujours cette cloche à dix heures : c’était le signal pour fermer les portes du château et remettre les clefs au sénéchal. Il se hâta de se rendre au guichet au moyen duquel le jardin communiquait avec le château, et il eut la mortification, au moment même où il y arrivait, d’entendre le verrou glisser sur ses crampons en criant aigrement, et entrer dans la gâche en pierre du châssis de la porte.

« Arrêtez, arrêtez, s’écria le page, et laissez-moi entrer avant de fermer le guichet. »

La voix de Dryfesdale répondit avec son ton ordinaire de dureté amère : « L’heure est passée, mon beau maître… Vous n’aimez pas l’intérieur de ces murs… faites un congé complet, et passez la nuit dehors comme vous y avez passé le jour.

— Ouvre la porte, » s’écria le page indigné, « ou, de par saint Gilles, ta chaîne d’or ne te défendra point de ma colère !

— Ne fais pas d’éclat ici, » reprit l’imperturbable Dryfesdale, « mais garde tes imprécations criminelles et tes sottes menaces pour ceux qui y ont égard… Je fais mon devoir et je vais porter les clefs au sénéchal… Adieu, mon jeune maître, l’air de la nuit rafraîchira votre sang. »

L’intendant avait raison : il ne fallait rien moins que l’influence des brises du soir pour apaiser l’accès de fureur qu’éprouva Roland, et le remède fut quelque temps avant d’opérer. Enfin, après quelques tours faits d’un pas rapide dans le jardin, en épuisant