Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/330

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médecin, je ne trouve pas convenable que vous vous exposiez à l’air du lac sans avoir l’estomac garni. »

Roland Græme ne songeait qu’à retourner, avec toute la vitesse dont il se sentait capable, à l’endroit où son bateau était amarré sur le rivage : il résista donc à toutes les offres que lui fit le docteur de prendre quelque nourriture, bien que celui-ci promît de préluder à la collation par un apéritif très-bienfaisant, à savoir, une décoction d’herbes qu’il avait cueillies et distillées lui-même. Au fait, comme Roland n’avait pas oublié le petit coup du matin, il est possible que ce souvenir l’engageât à refuser fermement toute nourriture, quand il fallait la faire précéder d’une chose si peu agréable au palais. Comme ils se rendaient à la barque, car la politesse cérémonieuse du digne chambellan n’aurait pas permis au page de s’y transporter sans suite, Roland Græme crut apercevoir le vêtement de Catherine Seyton parmi un groupe assemblé autour de quelques musiciens ambulants. Il se débarrassa de son compagnon, et d’un seul saut il arriva au milieu de la foule et à côté de la demoiselle. « Catherine, » dit-il tout bas, « est-il convenable que vous soyez, encore ici ?… Ne voulez-vous pas rentrer au château ?

— Allez au diable avec vos Catherine et vos châteaux ! » répondit la jeune fille d’un ton irrité ; « n’avez-vous pas encore eu le temps de vous débarrasser de votre folie ? Retirez-vous ! je ne désire pas votre compagnie, et il y aurait quelque danger à m’accompagner.

— Eh bien !… mais s’il y a du danger, belle Catherine, reprit Roland, pourquoi ne voulez-vous pas me permettre de rester avec vous pour le partager ?

— Sot intrus, répliqua la jeune fille, tout le danger est de ton côté… Pour parler plus clairement, tu cours grand risque que je te ferme la bouche avec le manche de mon poignard. »

En disant ces mots, elle se détourna de lui avec hauteur, et perça la foule, qui céda tout étonnée à la vivacité masculine avec laquelle elle s’ouvrit un passage.

Au moment où Roland, quoique fort irrité, se préparait à la suivre, il se sentit saisir de l’autre côté par le docteur Luc Lundin qui lui rappela le bateau chargé, les deux signaux qu’on avait faits sur la tour, le danger de s’exposer à l’air froid avec un estomac vide, et enfin la folie de passer son temps à courir après des jeunes filles revêches et des prunes encore vertes. Roland se vit