Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/320

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— Tranquillise-toi, jeune homme, reprit le serviteur, tu as ma parole et la preuve que je t’ai donnée.

— Je ne sais pas si la preuve est bonne, répliqua le page ; et quant à la parole, je ne me fie pas beaucoup à celle d’un étranger.

— Eh bien ! dit la matrone, quand même tu aurais remis dans les mains d’un sujet loyal le paquet que t’avait confié un des ennemis de la reine, il n’y aurait pas grand mal à cela, jeune écervelé.

— De par saint André ! il y aurait un mal irréparable, s’écria le page : l’essence de mon devoir, dans ce premier pas de la chevalerie, est d’être fidèle à ma charge ; et quand le diable lui-même m’aurait confié un message, si j’avais engagé ma foi, je ne voudrais pas la trahir, fût-ce même pour un ange de lumière.

— De par l’amour que je te portais jadis, reprit la matrone, j’aurais le courage de te tuer, de te tuer de ma propre main, quand je t’entends dire que ta foi appartient plus à des rebelles et à des hérétiques qu’à ton Église et à ton prince !

— Patience, ma bonne sœur, interrompit le serviteur, je fournirai à ce gentilhomme des raisons qui sauront contrebalancer les scrupules qui l’assiègent. Ses sentiments sont honorables quoiqu’ils soient peut-être mal placés dans ce moment. Suivez-moi, jeune homme.

— Avant d’aller demander compte à cet étranger de sa conduite, dit le page à son aïeule, ne pourrai-je rien faire pour votre bonheur et votre sûreté ?

— Rien, répondit-elle, rien. Veille seulement à ce que je n’apprenne rien qui puisse entacher ton honneur, ton véritable honneur ! Les saints qui m’ont protégée jusqu’à ce moment me secourront au besoin ; suis le chemin de la gloire qui est ouvert devant toi, et ne pense à moi que comme à celle qui sur la terre sera la plus enchantée d’entendre célébrer ton nom. Suis maintenant l’étranger : il t’apprendra des nouvelles auxquelles tu dois l’attendre fort peu. »

L’étranger restait sur le seuil comme attendant Roland, et aussitôt qu’il le vit se mettre en marche, il avança d’un pas rapide, s’enfonçant toujours de plus en plus dans la ruelle. Roland s’aperçut qu’elle n’était plus bordée de bâtiments que d’un côté, et que de l’autre s’élevait un vieux mur très-haut, au-dessus duquel de grands arbres étendaient leurs branches. En descendant beaucoup plus bas, ils arrivèrent à une petite porte dans le mur. Le