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solution sage et l’exécuter avec hardiesse. Et cependant sur ses nobles traits on voyait répandue l’expression d’une tristesse, dont peut-être il ne s’apercevait pas lui-même, mais qui n’échappa point à l’observation inquiète de son épouse affectionnée.

« Quelque chose est arrivé, ou est sur le point d’arriver, dit la dame d’Avenel, cette tristesse ne couvre pas votre front sans qu’il y ait une cause : nous sommes sûrement menacés de quelque malheur national ou particulier.

— Il n’y a rien de nouveau que je sache, répondit Halbert Glendinning ; mais de tous les maux qui peuvent affliger un royaume il en est peu que l’on ne doive redouter pour ce pays malheureux et divisé.

— Eh bien donc, je vois qu’il y a eu quelque funeste entreprise. Lord Murray ne vous aurait pas retenu si long-temps à Holy-Rood, s’il n’eût eu besoin de votre secours dans quelque affaire importante.

— Je n’ai pas été à Holy-Rood, Marie ; j’ai été pendant plusieurs semaines en pays étranger.

— En pays étranger ! et sans m’écrire un mot !

— À quoi cela aurait-il servi ? sinon à vous rendre malheureuse, mon cher amour : votre imagination aurait converti le plus léger zéphyr qui aurait ridé la surface de votre lac, en un fier ouragan bouleversant l’océan germanique.

— Et avez-vous réellement traversé la mer, » reprit lady Avenel, que cette idée remplissait de terreur et de surprise, « réellement quitté votre pays natal, mis le pied sur des rivages lointains où la langue écossaise est inconnue ?

— Réellement, bien réellement, » répéta le chevalier en lui pressant tendrement la main avec un air enjoué ; « j’ai fait cet exploit merveilleux ; j’ai roulé pendant trois jours et trois nuits sur l’Océan, les vagues impétueuses se brisant à côté de mon oreiller, et seulement une planche mince me séparant de l’abîme.

— En vérité, mon cher Halbert, c’était tenter la divine Providence. Je ne vous ai jamais engagé à ôter l’épée de votre côté, ni à poser la lance que vous aviez à la main ; je ne vous ai jamais dit de rester assis lorsque votre honneur vous commandait de vous lever : mais l’épée et la lance ne sont-elles pas des armes assez dangereuses pour la vie d’un homme, et fallait-il vous exposer au milieu des flots courroucés et des mers orageuses ?

— Nous avons en Allemagne et dans les Pays-Bas des hommes