Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/312

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Roland prononça les derniers mots de cette phrase d’un ton bas et tendre ; mais, à son grand déplaisir et à sa grande mortification, loin d’apaiser l’envie de rire qui s’était emparée de sa compagne, il ne fit que l’augmenter. Elle pouvait à peine se modérer, lorsqu’elle lui répondit : « Si vous trouvez cette main si dangereuse, pourquoi donc la serrer si fort ? » et elle la dégageait de la sienne. « Mais je vois que vous me connaissez si bien qu’il est inutile de vous faire voir mon visage.

— Belle Catherine, dit le page, il serait indigne de votre vue celui qui, ayant demeuré si long-temps sous le même toit et servi la même maîtresse que vous, pourrait se méprendre sur votre air, votre maintien, votre démarche, votre danse, le contour de votre cou, la symétrie de votre taille. Nul ne pourrait être assez stupide pour ne pas vous reconnaître à tant de marques ; mais, quant à moi, j’aurais deviné qui vous êtes, rien qu’à cette tresse de cheveux qui s’échappe de votre voile.

— Et au visage que ce voile couvre ? » dit la demoiselle en dérangeant son voile et en cherchant à le replacer au même instant. Elle fit voir en effet les traits de Catherine ; mais ils étaient animés par un degré extraordinaire d’impatience pétulante causée par la difficulté qu’elle éprouvait à replacer le voile avec cette dextérité qui était un des premiers talents des coquettes de l’époque.

« Que le diable emporte le chiffon ! » dit la demoiselle en le voyant voltiger sur ses épaules ; son ton était si ferme et si décidé que le page en tressaillit. Il l’envisagea encore, mais ses yeux ne pouvaient rien lui apprendre de plus. Il l’aida à remettre son voile, et tous deux gardèrent un instant le silence ; la demoiselle fut la première à le rompre, car Roland Græme ne revenait pas de la surprise que lui causaient les contradictions qu’il remarquait dans le caractère et la personne de Catherine Seyton.

« Vous êtes surpris, lui dit la demoiselle, de ce que vous voyez et de ce que vous entendez ; mais les temps qui changent les femmes en hommes ne sont nullement ceux où il convient aux hommes de se métamorphoser en femmes ; cependant vous êtes en danger d’éprouver un pareil changement.

— Moi ? s’écria le page.

— Oui, vous, malgré toute la hardiesse de votre réponse. Quand vous devriez tenir fermement à votre religion, parce qu’elle est attaquée de tous côtés par des rebelles, des traîtres et