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plutôt accru sa tendresse raisonnable ; et les longues et fréquentes absences de sir Halbert Glendinning avaient empêché le calme de cette affection de dégénérer en indifférence.

Lorsque ces premières marques d’amour et ces premières félicitations eurent été données et reçues, la dame d’Avenel, fixant tendrement ses yeux sur le visage de son mari, lui dit :

« Vous êtes changé, Halbert ; vous avez fait une rude et longue course aujourd’hui, ou vous avez été malade.

— Je me suis bien porté, Marie, répondit le chevalier ; j’ai joui d’une très-bonne santé, et une longue course n’est pour moi, tu le sais, qu’une affaire d’habitude constante. Ceux qui sont nés d’un sang noble peuvent dormir toute leur vie dans l’intérieur de leurs châteaux et de leurs manoirs ; mais l’homme qui a conquis la noblesse par ses propres exploits doit toujours rester en selle, pour montrer qu’il mérite le rang auquel il s’est élevé. »

Pendant qu’il parlait ainsi, sa femme le regardait tendrement et cherchait à lire au fond de son âme ; car le ton dont il s’exprimait était celui de la tristesse et de l’abattement.

Sir Halbert Glendinning était au fond le même homme qu’autrefois ; mais toutes les qualités qui paraient sa jeunesse s’étaient bien modifiées dans leur développement. La franchise impétueuse du jeune ambitieux avait fait place au sang-froid calme et ferme du vaillant soldat et du politique habile. On voyait des traces profondes creusées par les soucis dans ses nobles traits, sur lesquels autrefois passaient toutes les émotions, comme de légères vapeurs sur un ciel d’été. Ce ciel était maintenant, non pas peut-être obscurci par les nuages, mais tranquille et grave comme une soirée paisible d’automne. Son front était plus large et plus découvert que dans la jeunesse, et la chevelure noire et touffue, qui se bouclait encore sur la tête du guerrier, ne garnissait déjà plus ses tempes, non par l’effet de l’âge, mais par celui de la pression constante du casque ou du bonnet d’acier. Sa barbe, suivant la mode du temps, était courte et épaisse, relevée en moustaches sur la lèvre supérieure, et se terminant en pointe à l’extrémité. Ses joues, brunies par l’intempérie des saisons, avaient perdu le vif coloris de la jeunesse, mais offraient le teint vigoureux d’une active et robuste virilité. Halbert Glendinning était en un mot un chevalier digne de marcher à la droite d’un roi, de porter sa bannière dans les combats, et d’être son conseiller en temps de paix ; car ses regards exprimaient cette fermeté réfléchie qui fait prendre une ré-