Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/305

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et une coquette de grande ville ; mais le plus plaisant peut-être de tous ces personnages réunis était le fou privilégié, le gracioso du drame espagnol, avec son bonnet en pointe, sa marotte, son bâton à figure sculptée : il allait et venait, se mêlant dans chaque scène de la pièce, et interrompant tout, sans avoir lui-même de rôle à remplir, adressant ses railleries tantôt aux acteurs, tantôt aux spectateurs prêts à tout applaudir.

L’esprit de la pièce, qui n’était pas des meilleures, consistait surtout en satires contre les pratiques superstitieuses de la religion catholique, et cette artillerie théâtrale avait été choisie par le docteur Lundin : non seulement il avait commandé au directeur de choisir une de ces satires nombreuses qu’on avait lancées contre les papistes (on avait donné à plusieurs d’entre elles une tournure dramatique) ; mais, semblable au prince de Eanemark[1], il y avait fait insérer, ou, selon son expression, il avait fait infuser çà et là quelques plaisanteries de son cru, sur le même sujet inépuisable, espérant par ce moyen adoucir la rigueur de la dame de Lochleven contre ce genre de passe-temps. Il ne manqua pas de coudoyer Roland, qui était assis derrière lui, pour lui faire remarquer particulièrement ces passages favoris. Quant au page, pour qui la seule idée d’un amusement pareil, tout simple qu’il fût, était une chose tout à fait neuve, il contemplait la scène avec ce plaisir extatique et sans mélange qu’éprouvent les hommes de tous rangs lorsqu’ils assistent pour la première fois à une représentation dramatique : il riait, criait, claquait des mains, à mesure que la pièce avançait. Enfin, un accident survint qui lui fit oublier tout l’intérêt qu’il prenait à ce qui se passait devant lui.

L’un des principaux personnages de la partie comique du drame était, ainsi que nous l’avons déjà dit, une espèce de moine ou vendeur d’indulgences, personnage ambulant qui allait de ville en village, vendant des reliques, réelles ou supposées, moyennant lesquelles il excitait la dévotion et la charité du peuple, de manière toutefois à tromper l’un et l’autre. L’hypocrisie, l’impudence et le dérèglement de ces prêtres errants en avaient fait des sujets de satire depuis le temps de Chaucer jusqu’à celui de Heywood. Leur représentant ne manquait pas de suivre la même conduite, offrant des os de porc pour des reliques, et vantant la vertu de petites croix de fer blanc qui avaient été passées dans la

  1. Hamlet.