Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je ne veux pas aller avec Lilias, madame, » s’écria l’enfant gâté, qui avait plus d’une fois réussi par son obstination à en venir à ses fins, et qui, comme bien des gens d’un âge mûr, se plaisait à exercer une pareille autorité : « je ne veux pas aller dans la vilaine chambre de Lilias ; je veux rester, et voir ce brave guerrier qui passe si fièrement sur le pont-levis.

— Vous ne devez pas rester, Roland, » répliqua la dame d’un ton plus absolu qu’elle ne parlait ordinairement à son petit favori.

« Je le veux ! » répéta l’enfant, qui avait déjà senti son importance et comptait qu’on ne manquerait pas de lui céder.

« Je veux ! dites-vous, Roland ? que signifie ce mot ? Je vous dis qu’il faut que vous vous en alliez.

Je veux, » dit l’enfant précoce, « est une expression qui convient à un homme ; il faut est déplacé dans la bouche d’une dame.

— Vous faites l’insolent ! s’écria lady Avenel ; Lilias, emmeez-le sur-le-champ.

— J’ai toujours pensé, » ajouta Lilias en souriant, et prenant l’enfant malgré lui par le bras, « qu’il faudrait que mon jeune maître cédât la place au plus âgé.

— Et vous aussi, vous faites l’impertinente ? mademoiselle, demanda lady Avenel ; la lune a-t-elle donc changé, que vous vous oubliiez tous de cette manière ?

Lilias ne répliqua point, mais emmena l’enfant qui, trop fier pour tenter une résistance inutile, lança à sa bienfaitrice un coup d’œil dans lequel on put lire combien il aurait été disposé à braver son autorité s’il eût eu quelque chance de succès.

Lady Avenel se sentit contrariée en voyant jusqu’à quel point cette légère circonstance l’avait agitée, dans un moment où elle aurait dû être tout entière à la joie de revoir son époux. Mais nous ne retrouvons point le calme par la réflexion seule que notre agitation est hors de saison. La rougeur du mécontentement n’avait pas encore disparu de sa joue ; le trouble qu’elle avait éprouvé n’était pas encore dissipé, lorsque son mari, sans casque, mais portant encore le reste de ses armes, entra dans l’appartement. Sa présence bannit toute autre pensée ; elle vola vers lui, serra dans ses bras ce corps couvert de fer, et couvrit de baisers ce visage noble et martial avec une affection évidente et sincère. Le guerrier lui rendit tendrement ses caresses ; car le temps qui s’était écoulé depuis leur union avait peut-être diminué ce qu’il y avait de romanesque dans son amour ; mais il avait