Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/293

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de t’amuser. N’oublie pas de me rapporter des nouvelles de Kinross, mais seulement de celles qui pourraient sans soupçon ni offense m’être racontées devant ce révérend ministre, ou en présence de la bonne lady Lochleven elle-même. »

Le congé était trop formel pour rester ; et Henderson sortit moitié mortifié, moitié content de sa réception : car Marie, par une longue habitude, jointe à la finesse qui lui était naturelle, avait poussé à un degré extraordinaire l’art d’éviter une conversation pénible à ses sentiments ou à ses préjugés, sans pour cela heurter ceux de ses interlocuteurs.

Roland Græme sortit avec le chapelain sur un signe de sa maîtresse ; mais il ne lui échappa pas, lorsqu’il quittait la chambre le dernier et faisait un profond salut à sa souveraine, que Catherine Seyton levait son doigt indicateur, en lui faisant un geste que lui seul pouvait apercevoir et qui semblait dire : « Rappelez-vous ce qui s’est passé entre nous. »

Roland reçut ses dernières instructions de lady Lochleven. « Il y a des réjouissances aujourd’hui dans le village, dit-elle. L’autorité de mon fils n’a pu encore exclure ces restes de l’ancien levain de superstition avec lequel les prêtres romains avaient pour ainsi dire pétri le cœur de nos paysans écossais. Je ne vous ordonne pas de vous en abstenir, ma défense serait un piège pour votre folie, ou vous apprendrait à mentir ; mais livrez-vous avec modération à ces vanités, et n’y faites attention un moment que comme à des futilités que vous devez abandonner et mépriser. Notre chambellan à Kinross, Luc Lundin, le docteur Luc Lundin, car c’est le titre qu’il se donne follement, vous fera connaître ce que vous avez à faire. Souvenez-vous que vous avez ma confiance, et montrez-vous-en digne. »

Si nous nous rappelons que Roland Græme n’avait pas encore dix-neuf ans, et qu’il avait passé toute sa vie dans le château solitaire d’Avenel, sauf quelques heures à Édimbourg et son dernier séjour à Lochleven, demeure qui n’avait pas beaucoup contribué à lui faire connaître les plaisirs du monde, nous ne serons pas étonnés que son cœur battît fortement de joie et de curiosité à l’espoir de partager les amusements mêmes d’une fête de campagne. Il se rendit en toute hâte à son petit cabinet, où il retourna toute sa garde-robe, et il est bon d’observer que cette garde-robe était digne de la place qu’il occupait ; car elle lui avait été envoyée d’Édimbourg, probablement par l’ordre du comte de Murray.