Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/292

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ma détention se prolonge, que je n’aie point de répugnance à entendre un homme qui semble raisonnable et compatissant comme vous, et que je me hasarde à encourir votre dédain en m’efforçant de me rappeler et de citer les raisons que les conciles et les prêtres donnent à l’appui de ma foi, bien que je craigne, hélas ! d’avoir perdu mon latin avec tout le reste de ce que je possédais. Toutefois cette conférence sera pour un autre jour. En attendant, monsieur, que lady Lochleven emploie mon page comme elle l’entendra, je ne veux pas éveiller les soupçons en lui disant un seul mot en particulier avant son départ… Roland Græme, mon ami, ne perdez pas une occasion de vous amuser, dansez, chantez, courez, sautez. On peut faire tout cela avec joie ; mais pour faire ici de telles folies, il faudrait avoir plus que du vif argent dans les veines.

— Hélas, madame ! s’écria le prédicateur, quelles exhortations donnez-vous à la jeunesse, tandis que le temps passe et que l’éternité avance ! Pouvons-nous assurer notre salut par de frivoles amusements, ou pouvons-nous accomplir notre œuvre sans craindre et sans trembler ?

— Je ne sais ni craindre ni trembler, répliqua la reine ; Marie Stuart ne connaît point de telles émotions. Mais si mes pleurs et mes chagrins peuvent compenser pour Roland une heure d’amusements innocents, soyez sûr que la pénitence sera exactement remplie.

— Votre gracieuse Seigneurie, dit le prédicateur, se trompe gravement en cela ; nos pleurs et nos chagrins sont une faible compensation de nos propres fautes et de nos propres folies, et nous ne pouvons les céder à d’autres pour effacer leurs erreurs, comme votre Église l’enseigne faussement.

— Puis-je, monsieur, répondit la reine, sans vous offenser par cette prière, vous prier de vous retirer. Mon cœur est vraiment malade, et je ne saurais supposer une plus longue controverse. Tiens, Roland, prends cette petite bourse. » Se tournant alors vers le ministre, elle lui dit en lui montrant ce qu’elle contenait : « Voyez, révérend chapelain, elle ne renferme que deux ou trois testons d’or ; cette monnaie porte mon effigie, et cependant elle a toujours plus servi contre moi que pour moi ; de même, mes sujets, en prenant les armes pour me détrôner, prononçaient encore mon nom pour mot de ralliement et pour cri de guerre. Prends cette bourse, afin que tu ne puisses manquer de moyens