Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/273

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leur conversation était soigneusement restreinte aux sujets les plus indifférents, et elles observaient même en les traitant une réserve étudiée. Ce manque sensible de confiance était accompagné d’un changement analogue dans leur conduite personnelle envers le malheureux page. La reine, qui l’avait d’abord traité avec une bienveillance marquée, lui parlait à peine maintenant, sauf pour quelques ordres nécessaires à son service. Lady Fleming restait à son égard dans les termes de la politesse la plus sèche et la plus réservée, et Catherine Seyton devint plus amère dans ses plaisanteries : elle montrait une humeur froide et revêche dans toutes les communications qu’il avait avec elle. Ce qui le choquait le plus, c’est qu’il voyait, ou croyait voir des marques d’intelligence entre George Douglas et la belle Catherine Seyton. Aigri par la jalousie, il se persuada que leurs regards se communiquaient des secrets d’importance. « Il n’est pas étonnant, pensait-il, que, courtisée par le fils d’un baron orgueilleux et puissant, elle n’ait plus une parole ou un regard pour un pauvre page sans fortune. »

En un mot la position de Roland Græme devint tout à fait insupportable, et son cœur se souleva naturellement contre l’injustice de ce traitement qui le privait du seul agrément propre à le dédommager d’une réclusion insupportable sous tout autre rapport. Il accusait d’inconséquence la reine Marie et Catherine Seyton (il était indifférent à l’opinion de dame Fleming) : en effet, elles semblaient lui en vouloir pour les suites naturelles d’un ordre qui venait d’elles-mêmes. Ne l’avaient-elles pas envoyé pour écouter ce prédicateur à la parole puissante ? « L’abbé Ambroise, pensait-il, connaissait mieux la faiblesse de leur papisme, lorsqu’il m’enjoignait de répéter dans mon esprit des ave, des credo des pater, tout le temps que le vieux Henri Warden prêchait ou sermonnait, pour m’empêcher de prêter un seul instant l’oreille à ses doctrines hérétiques. Mais je ne supporterai pas long-temps une telle vie, » se dit-il à lui-même avec fermeté. « Pensent-elles que je trahirai ma maîtresse parce que je vois matière à des doutes dans sa religion ? Ce serait servir le diable pour l’amour de Dieu, comme on dit. Non ; mais au moins je rentrerai dans le monde : celui qui sert de belles dames a droit de s’attendre à des paroles et à des regards de bonté, et je n’ai point reçu du ciel l’âme d’un vrai gentilhomme pour me soumettre aux froideurs des soupçons et des mauvais traitements, en récompense d’une vie passée dans la captivité. Je