Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/266

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ses yeux rencontrèrent ceux de Roland, et s’animèrent graduellement de leur expression habituelle de finesse et de malice ; cette rencontre éveilla naturellement une expression semblable dans les yeux du page. Ils restèrent assis environ deux minutes à se considérer l’un l’autre avec un grand sérieux dans le reste de leur physionomie, et la gaieté dans les yeux seuls. Catherine Seyton fut la première à rompre le silence :

« Puis-je vous prier, beau sire, » dit-elle avec une gravité affectée, « de me déclarer si vous voyez dans ma figure quelque chose qui puisse justifier les regards intelligents et curieux dont il plaît à Votre Seigneurie de m’honorer. Il semblerait qu’il y a une merveilleuse confiance et une intimité entre nous, beau sire, à en juger d’après vos regards si fins : Notre-Dame me protège ! et pourtant je ne vous ai jamais vu que deux fois dans ma vie.

— Et quelles furent ces deux heureuses occasions, demanda Roland, s’il m’est permis de vous adresser cette question ?

— Au couvent de Sainte-Catherine, répondit la demoiselle, pour la première fois ; et pour la seconde, durant cinq minutes d’une incursion qu’il vous plut de faire dans la maison de mon seigneur et père lord Seyton, d’où vous vous êtes tiré, à ma grande surprise, et probablement à la vôtre, avec un présent d’amitié et de reconnaissance, au lieu d’avoir les os brisés : car telle devait être la récompense la plus probable de votre audace, considérant l’humeur peu endurante de la famille des Seyton. Je suis très-fâchée, » ajouta-t-elle ironiquement, « que vos souvenirs aient besoin d’être rafraîchis sur un sujet si important : il est humiliant pour moi que ma mémoire soit meilleure que la vôtre dans une telle occasion.

— Votre mémoire n’est pas tout à fait exacte, belle demoiselle, répondit le page, car vous avez oublié notre troisième rencontre, à l’hôtellerie de Saint-Michel, lorsqu’il vous plut de lancer votre houssine à travers le visage de mon camarade, avec l’intention, j’en réponds, de montrer que dans la famille des Seyton, ni la colère et la promptitude, ni l’usage du pourpoint et de la chaussure, ne sont soumis à la loi salique ou réservés exclusivement aux hommes.

— Beau sire, » répondit Catherine en le regardant fixement et avec surprise, « à moins que votre esprit ne vous ait abandonné, je me perds à chercher le sens de vos paroles.

— Par ma foi, belle demoiselle ! répliqua Roland, je serais aussi