Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/264

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un chevalier du Cœur sanglant[1] ; pourquoi ne le laisse-t-il pas à son père ou à ses frères ?

— Peut-être, comme nous, ne lui a-t-on pas laissé le choix, répondit lady Fleming ; mais, Catherine, vous avez bien employé le peu de temps que vous avez passé à la cour pour vous rappeler ce que George Douglas était alors.

— Je me suis servi de mes yeux : je suppose que c’était pour cela qu’on m’avait menée là, et ils ne manquaient pas d’emploi, je vous en réponds. Lorsque j’étais au couvent, c’étaient des accessoires inutiles ; et maintenant que je suis à Lochleven, ils ne sont bons à rien, si ce n’est à se tenir fixés sur cet éternel ouvrage de broderie.

— Vous parlez ainsi, et vous n’êtes avec nous que depuis quelques heures ! Où est cette jeune fille qui voulait vivre et mourir dans une prison, pourvu qu’elle eût seulement la permission de servir sa gracieuse reine ?

— Ah ! si vous vous fâchez sérieusement, ma plaisanterie est finie. Je ne le céderais pas en attachement à ma pauvre marraine, à cette grave matrone, qui avait toujours de sages prédictions sur le bout de la langue et une double fraise empesée autour de son cou ; vous savez bien que je ne lui céderais pas en attachement, dame Marie Fleming, et c’est me faire injure que de dire le contraire.

— Elle va défier l’autre dame, pensa Roland : elle va certainement lui jeter le gant, et si dame Marie Fleming a le cœur de le relever, nous aurons un combat en champ clos ! » Mais la réponse de lady Marie Fleming fut de nature à calmer la colère de la jeune capricieuse.

« Tu es une bonne fille, dit-elle, ma Catherine, et une fille fidèle ; mais le ciel ait pitié de celui qui aura un jour une créature si belle pour le charmer et si malicieuse pour le tourmenter : tu es faite pour rendre fous vingt maris.

— Oh ! » dit Catherine en reprenant son caractère et sa bonne humeur insouciante, « il devra être déjà fou à moitié, celui qui me donnera pareille occasion. Mais je suis en vérité charmée que vous ne soyez pas sérieusement fâchée contre moi. » Elle se jeta, à ces mots dans les bras de son amie ; puis elle continua d’un ton d’excuse amicale et en l’embrassant sur les deux joues : « Vous

  1. Allusion aux armoiries de Douglas. a. m.