Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/263

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vices sans nom que les galants de l’époque étaient habitués à rendre. Il découpait adroitement et avec grâce, et choisissait soigneusement les morceaux les plus délicats pour les offrir à ces dames. Avant qu’elles eussent pu former un désir, il se levait de table prêt à l’accomplir, versait du vin, le trempait avec de l’eau, ôtait et changeait les assiettes, et faisait les honneurs de la table avec un air de promptitude joyeuse, de profond respect et d’empressement gracieux tout à la fois.

Lorsqu’il vit qu’elles avaient fini de manger, il se hâta d’offrir à la plus âgée l’aiguière d’argent, le bassin et la serviette, avec autant de cérémonie et de gravité que s’il les eût présentés à Marie elle-même. Ensuite, avec le même décorum, il remplit le bassin d’eau pure, et l’offrit à Catherine Seyton. Elle avait apparemment résolu de troubler la gravité du page ; car tandis qu’elle lavait ses mains, elle tâcha, comme par accident, de jeter quelques gouttes d’eau à la figure de son officieux serviteur. Mais, si tel était son malicieux dessein, elle fut complètement trompée ; car Roland Græme qui se piquait de commander à ses émotions, ne rit pas et ne fut pas déconcerté ; et tout ce que la jeune fille gagna par sa folie fut une sévère réprimande de sa compagne qui la taxa de maladresse et d’impolitesse. Catherine ne répondit rien, mais elle s’assit en boudant, et avec cette humeur d’un enfant gâté qui cherche l’occasion de décharger sur l’un ou sur l’autre le ressentiment d’une réprimande méritée.

Lady Marie Fleming, en attendant, était naturellement charmée de la conduite exacte et respectueuse du page, et elle dit à Catherine, après avoir jeté un coup d’œil favorable sur Roland Græme : « Vous aviez raison de le dire, Catherine, notre compagnon de captivité est bien né et bien élevé. Je ne voudrais pas le rendre orgueilleux par mes louanges, mais ses services nous mettront à même de nous passer de ceux de George Douglas, qui même n’a d’attention pour nous qu’en présence de la reine…

— Hum ! je ne sais trop, répondit Catherine, car George Douglas est un des plus beaux cavaliers d’Écosse, et c’est un plaisir de le voir même à présent que la tristesse du château de Lochleven lui a inspiré cette mélancolie qu’elle répand sur tout. Lorsqu’il était à Holy-Rood, qui aurait dit que le jeune et brillant Douglas se serait contenté de jouer le rôle de geôlier ici, à Lochleven, sans autre amusement que de tourner la clef sur deux ou trois pauvres femmes sans secours ? C’est un étrange emploi pour