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Seyton ; mais elle était en habits de femme, bien différents de ceux qu’elle portait lors de leur première rencontre, et qui convenaient à sa naissance comme fille d’un puissant baron, et à son rang comme suivante d’une princesse. « Il me paraît, beau page, lui dit-elle, que savoir vous tenir aux écoutes est une des qualités qui vous sont communes avec vos confrères.

— Ma jolie sœur, » répondit Roland sur le même ton, « si certain de mes amis possède aussi bien les autres mystères de notre profession qu’il sait jurer, faire le fanfaron et manier la houssine, il n’a besoin de consulter aucun autre page de la chrétienté pour se faire initier davantage dans notre vocation.

— À moins que ce beau discours ne veuille dire que vous avez été soumis vous-même à la correction de la houssine depuis notre rencontre, ce dont je ne mets pas en doute la possibilité, je vous avoue, beau page, que je me perds à vouloir comprendre ce qu’il signifie. Mais ce n’est pas le temps de discuter sur cela, on apporte le repas du soir. Allons, sire page, remplissez votre office. »

Quatre domestiques entrèrent portant des plats ; ils étaient précédés par ce vieil intendant à l’air sévère que Roland avait déjà vu, et suivis par George Douglas, petit-fils de lady Lochleven, avons-nous dit, et qui, en sa qualité de sénéchal, représentait en cette occasion son père, le maître du château. Il entra les bras croisés sur la poitrine, et les yeux fixés vers le plancher. Avec le secours de Roland Græme, une table fut dressée convenablement dans la chambre voisine, qui était celle du milieu ; les domestiques y déposèrent respectueusement ce qu’ils portaient, et lorsqu’ils eurent complètement garni la table, Douglas et le vieil intendant s’inclinèrent profondément, comme si leur royale prisonnière eût été assise pour prendre son repas. La porte s’ouvrit et Douglas s’empressa de lever les yeux ; mais il les rebaissa vers la terre lorsqu’il vit que c’était seulement Marie Fleming qui entrait.

« Sa Grâce, dit-elle, ne soupera pas ce soir.

— Espérons qu’elle en décidera autrement, répliqua Douglas. En attendant, madame, veuillez remarquer que nous nous acquittons de notre office. »

Un domestique présenta du pain et du sel sur un plateau d’argent, et le vieil intendant coupa successivement un morceau de chaque plat servi que Douglas goûta, comme c’est la coutume à la table des princes, où l’on craint que la mort ne se glisse sous toutes les formes.