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gleterre. On ajoutait que Madeleine avait beaucoup souffert dans plusieurs des pillages auxquels ce malheureux district était si souvent exposé, et qu’elle avait été chassée de son habitation. Elle était arrivée dans le hameau, personne ne savait dans quel dessein, et les uns la prenaient pour une sorcière, et les autres pour une catholique bigote. Son langage était mystérieux, ses manières repoussantes, et tout ce qu’on pouvait recueillir de sa conversation semblait donner à comprendre qu’elle était sous l’influence d’un charme ou d’un vœu, car elle parlait comme une personne mue par une puissance extérieure et irrésistible.

Tels furent les détails que lady Avenel put recueillir au sujet de Madeleine Græme ; mais ils étaient trop insignifiants pour que l’on pût en déduire quelque conséquence satisfaisante. Au fait, les malheurs des temps et les diverses vicissitudes de fortune, assez communes dans un pays frontière, chassaient perpétuellement de leurs demeures ceux qui manquaient de moyens de défense ou qui ne pouvaient se procurer une protection. On voyait un trop grand nombre de ces fugitifs errer dans le pays, pour qu’on fît beaucoup d’attention à eux, ou qu’on leur portât un grand intérêt. On leur accordait froidement ces secours précaires qu’arrache un sentiment commun d’humanité, sentiment qui se trouvait légèrement excité chez quelques personnes, peut-être un peu glacé chez d’autres par la réflexion que tel qui donnait l’aumône aujourd’hui se verrait peut-être obligé de la demander demain. Madeleine Græme ne fit donc que paraître et disparaître comme une ombre dans le voisinage du château d’Avenel.

L’enfant que la Providence, comme elle le pensait, avait confié à ses soins d’une manière aussi étrange, devint tout-à-coup le favori de la dame du château. Comment pouvait-il en être autrement ? Il fut l’objet de ces sentiments d’affection qui, n’ayant trouvé auparavant aucun sujet sur lequel ils pussent se répandre, avaient rendu pour la jeune lady le château plus sombre et la solitude plus difficile à supporter. Lui donner les connaissances qu’elle possédait elle-même, avoir pour lui les soins qu’exigeait son enfance, veiller sur lui dans les amusements de son âge : telles furent les occupations de milady. Dans cette demeure où elle n’entendait que les mugissements des bestiaux paissant au loin sur les collines, les pas pesants de la sentinelle se promenant à son poste, ou le rire de la servante filant au rouet (rire presque envié de la maîtresse), la présence de ce bel enfant donnait à tou-