Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/258

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avec un empressement indifférent, comme s’il se fût agi d’un sujet de peu d’importance ou de pure formalité. Lorsqu’elle eut achevé cette tâche pénible, elle se leva, et ayant salué les lords, elle se préparait à passer dans sa chambre. Ruthven et sir Robert Melville lui rendirent son salut, le premier avec cérémonie, le second par une inclination, dans laquelle son désir de témoigner sa compassion à la reine était évidemment retenu par la crainte de paraître aux yeux de ses collègues trop attaché à son ancienne maîtresse. Mais ils étaient déjà sur le point de sortir que Lindesay n’avait encore fait aucun mouvement. À la fin, comme cédant à une soudaine impulsion, il fit le tour de la table, qui jusqu’ici avait été entre les envoyés et la reine, mit un genou en terre, prit la main de la reine, la baisa, la laissa tomber et se releva : « Madame, dit-il, vous êtes une noble créature, quoique vous ayez abusé des dons les plus précieux de Dieu. Je paie à la fermeté mâle de votre esprit le respect que je n’aurais pas payé au pouvoir que vous avez si mal employé pendant long-temps ; je m’agenouille devant Marie Stuart, et non devant la reine.

— La reine et Marie Stuart ont également pitié de toi, Lindesay, dit Marie ; elles ont également pitié de toi, et elles te pardonnent. Tu étais un soldat honorable dans le parti de ton roi ; mais ligué avec des rebelles, tu n’es plus maintenant qu’une épée dans les mains d’un brigand ! Adieu, milord Ruthven, traître plus doux, mais plus profond. Adieu, Melville : puisses-tu trouver des maîtres qui apprécient ton habile politique, et qui aient les moyens de la récompenser mieux que Marie Stuart ! Adieu, George Douglas ; faites savoir à votre respectable grand’mère que nous désirons être seule pendant le reste de la journée. Dieu sait que nous avons besoin de recueillir nos pensées. »

Tous saluèrent et sortirent ; mais à peine étaient-ils dans le vestibule que Lindesay et Ruthven étaient déjà en querelle. « Point de reproche, Ruthven, » disait Lindesay en réponse aux paroles que son collègue lui avait adressées, mais qu’on n’avait pu entendre distinctement ; « point de reproches, car je ne les souffrirai pas. Vous m’avez donné le rôle du bourreau dans cette affaire, et le véritable bourreau peut demander pardon à ceux sur lesquels il exerce son office. Je voudrais avoir d’aussi bonnes causes pour être son ami que j’en ai pour être son ennemi, tu verrais si j’épargnerais mon corps et mes jours pour la défense de sa cause.

— Tu es un joli mignon, répliqua Ruthven, pour défendre la