Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/25

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faut nécessairement que vous les repreniez. Je n’ai pas besoin d’argent. Je suis bien pourvue, et je ne dois point penser à moi, ni songer comment ni par qui je serai soutenue. Portez-vous bien et me gardez votre parole. Faites ouvrir vos portes et baisser vos pont-levis, je veux partir ce soir même. Lorsque je reviendrai, je vous demanderai un compte sévère : car je vous laisse le trésor de ma vie. Le sommeil ne visitera mes paupières que par courts intervalles, les aliments ne me procureront point de rafraîchissement, le repos ne réparera pas mes forces, tant que je n’aurai point revu Roland Græme. Encore une fois, adieu.

— Faites la révérence, bonne femme, » dit Lilias à Madeleine Græme au moment où celle-ci se retirait ; « faites la révérence à milady, et remerciez-la de toutes ses bontés, comme cela est juste et convenable. »

L’étrangère se tourna brusquement vers l’officieuse suivante en disant : « Qu’elle me fasse donc la révérence, et je la lui rendrai. Pourquoi m’abaisserais-je devant elle ? Est-ce parce que son jupon est de soie et que le mien est de toile bleue ? Allez, la bonne, apprenez que le rang du mari règle celui de la femme : celle qui épouse un paysan, fût-elle la fille d’un roi, n’est que la femme d’un vassal. »

Lilias allait répondre avec une grande indignation ; mais sa maîtresse lui imposa silence, et ordonna que la vieille femme fût reconduite sur la rive du lac.

« Sur la rive ! » s’écria la femme de chambre irritée, tandis que Madeleine Græme sortait de l’appartement : « et je dis, moi, qu’on la plonge dans le lac même, et l’on verra si c’est une sorcière ou non, comme tout le monde au village de Lochside peut le dire et le jurer. Je m’étonne, madame, que vous ayez pu si long-temps endurer son insolence. » Mais les ordres de milady furent exécutés, et la veille femme, conduite hors du château, fut abandonnée à sa fortune. Elle tint parole, et ne demeura pas long-temps dans cette partie du pays ; elle quitta le hameau la nuit même qui suivit l’entrevue, et personne ne demanda quelle route elle avait prise. Lady Avenel s’informa des circonstances dans lesquelles elle s’était présentée au hameau ; mais tout ce qu’elle put apprendre fut qu’on la croyait veuve de quelque homme d’importance parmi les Græme, qui habitaient alors le pays contesté : c’est ainsi que l’on désignait une certaine portion de territoire qui était fréquemment un sujet de dispute entre l’Écosse et l’An-