Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et douloureuse maladie qu’il ne put supporter le poids de son armure, il s’était levé de son lit de souffrance pour commettre un meurtre en présence de sa souveraine. Le fils avait joué un rôle principal dans cette scène de sang : il n’était donc pas extraordinaire que la reine, si l’on se rappelle l’état où elle se trouvait[1] lorsqu’un tel acte de cruauté avait été commis devant elle, ne pût se défendre d’une terreur instinctive en face de l’un des principaux acteurs de ce drame horrible. Elle répondit cependant avec grâce au salut de lord Ruthven, et tendit la main à George Douglas, qui s’agenouilla, et la baisa avec respect : c’était la première marque des hommages d’un sujet que Roland Græme eut vu rendre à la souveraine prisonnière… Elle le reçut en silence. Il y eut alors une courte pause, durant laquelle l’intendant du château, homme au front triste et à l’œil sévère, approcha, d’après l’ordre de George Douglas, une table et tout ce qu’il fallait pour écrire ; et le page, obéissant au signe muet de sa maîtresse, avança un grand fauteuil du côté où se tenait la reine, la table formant ainsi une espèce de barrière qui séparait Marie et les personnes de sa suite de ces malencontreux et importuns visiteurs. L’intendant se retira dans ce moment, après avoir salué profondément. Lorsqu’il eut fermé la porte derrière lui, la reine rompit le silence : « Avec votre permission, milord, je m’assiérai ; mes promenades ne sont pas, il est vrai, assez longues à présent pour me fatiguer beaucoup ; cependant je trouve que le repos m’est nécessaire plus que de coutume. »

Elle s’assit donc, et, couvrant sa joue de sa belle main, elle lança tour à tour à chaque lord des regards perçants et expressifs.

Marie Fleming porta son mouchoir à ses yeux ; Catherine Seyton et Roland Græme échangèrent un regard, qui montrait qu’ils étaient tous deux pénétrés des mêmes sentiments d’intérêt et de pitié à l’égard de leur royale maîtresse, au point de ne pouvoir penser à rien qui les regardât eux-mêmes.

« Je vous attends, milords, » dit la reine lorsqu’on fut resté environ une minute sans dire une seule parole ; « j’attends le message que vous m’apportez de la part de ceux que vous appelez les membres du conseil secret. Je suis sûre que c’est une demande de pardon, une prière qu’ils m’adressent de remonter sur le trône qui

  1. Elle était enceinte de sept mois lorsque Rizzio fut tué sous ses yeux et la couvrit de son sang. a. m.