Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne saurait être indifférent à Marie Stuart. Quant aux soins de ma propre vie, ils m’occupent peu : à peine âgée de vingt-cinq ans, j’ai vécu assez pour être fatiguée de l’existence. Où est votre collègue, milord ; pourquoi tarde-t-il à venir ?

— Le voici, madame, » dit Melville ; et lord Ruthven entra en effet, tenant un papier à la main. La reine lui rendit son salut, et la pâleur de la mort se répandit sur son visage ; mais une résolution soudaine et violente lui rendit bientôt ses esprits. Le gentilhomme dont l’aspect semblait causer à Marie de si vives émotions était accompagné de George Douglas, le plus jeune des fils du chevalier de Lochleven. C’était ce jeune homme qui, en l’absence de son père et de ses frères, remplissait les fonctions de sénéchal du château, sous la direction de la mère de son père, lady Lochleven.


CHAPITRE XXII.

les envoyés.


J’ôte ce lourd fardeau de dessus ma tête et ce sceptre pesant de ma main. Mes larmes effaceront les traces de l’huile sainte ; ma main rejettera ma couronne ; ma langue abjurera mes droits sacrés, et de ma bouche je relèverai mes sujets de leurs serments d’obéissance.
Shakspeare, Richard II.


Lord Ruthven avait l’extérieur d’un soldat et d’un homme d’état ; sa taille et sa figure martiale lui avaient fait donner par ses amis l’épithète populaire de Greysteil, nom du héros d’une ballade généralement connue alors. Son vêtement, qui était un justaucorps de buffle brodé, avait un caractère à moitié militaire, toutefois bien éloigné de la sordide négligence de celui de Lindesay. Mais, fils d’un père malheureux, et père d’une famille plus malheureuse encore, il avait cet air de visage mélancolique, auquel les physionomistes de l’époque prétendaient reconnaître ceux qui devaient périr de mort violente.

L’impression de terreur que la vue de cet homme fit sur l’esprit de la reine venait de la part active qu’il avait prise à l’assassinat de David Rizzio ; son père avait présidé à l’accomplissement de ce crime abominable, et, quoique si faible par suite d’une longue