Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/229

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time de l’Écosse, et l’un des plus capables qui eussent jamais porté le sceptre. La maison de Mar, qui ne le cédait ni en ancienneté, ni en grandeur à celle de Drummond, aurait pu aussi se vanter d’une reine parmi ses filles, et elle aurait échappé à la tache qui résulte de la fragilité d’une femme, lors même qu’elle a pour excuse un amant royal. Ces sentiments qui oppressaient son cœur naturellement orgueilleux et sévère, étaient empreints sur sa physionomie. Aux restes d’une grande beauté se joignaient certains traits qui indiquaient un mécontentement intérieur et une sombre mélancolie. Ce qui contribuait peut-être à augmenter cette disposition habituelle, c’est que lady Lochleven avait adopté des sentiments religieux extraordinairement rigides et austères. Dans ses idées de foi réformée, elle partageait les erreurs les plus fatales des catholiques, en limitant comme eux les bienfaits de l’Évangile à ceux qui professaient exclusivement ses principes.

Sous tous les rapports, l’infortunée reine d’Écosse, alors commensale obligée, ou plutôt prisonnière de cette triste dame, était odieuse à son hôtesse. Lady Lochleven haïssait en elle la fille de Marie de Guise, de celle qui avait usurpé sur le cœur et sur la main de Jacques V les droits légitimes dont elle se considérait comme injustement privée ; elle détestait surtout une femme attachée à cette religion qu’elle abhorrait plus que le paganisme. Telle était la dame qui, avec un air de majesté, des traits durs quoique beaux, et couverte d’une coiffe de velours noir, demanda au domestique qui dirigeait la barque vers le rivage ce qu’étaient devenus lord Lindesay et lord Melville. L’homme raconta ce qui s’était passé. Elle répondit avec un sourire dédaigneux : « Il faut flatter les fous et non pas les combattre. Retourne à l’instant, fais tes excuses comme tu le pourras ; dis à Leurs Seigneuries que lord Ruthven est déjà au château, et qu’il est impatient de voir paraître lord Lindesay. Pars sur-le-champ… Randal, un moment, qu’est-ce que ce bambin que tu m’as amené ?

— Sous votre bon plaisir, milady, c’est le page qui doit servir.

— Ah ! le nouveau mignon, répondit lady Lochleven. La suivante est déjà arrivée hier. J’aurai une maison bien ordonnée avec cette dame et sa suite ; mais je me flatte que l’on trouvera bientôt d’autres personnes pour entreprendre une telle charge. Allons, pars, Randal ; et vous, dit-elle à Roland, suivez-moi dans le jardin. »

Elle le conduisit d’un pas lent et avec dignité dans un petit