Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/219

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une princesse, quoiqu’elle soit très malheureuse ; elle a été reine, quoique maintenant, hélas ! elle ne le soit plus. Montrez-vous donc plein de déférence, et rendez-lui tous les honneurs qui peuvent s’accorder avec la fidélité que vous devez au roi et à moi. Adieu maintenant. Cependant encore un mot. Vous allez voyager avec lord Lindesay, un homme de l’ancien monde, dur et honnête, quoique sans éducation. Prenez garde de l’offenser, car il ne souffre pas la raillerie, et vous êtes, à ce qu’on m’a dit, un peu railleur. » Il prononça ces mots en souriant, puis il ajouta : « J’aurais désiré que la mission de lord Lindesay eût été confiée à quelque grand seigneur d’un caractère moins farouche.

— Et pourquoi ce désir, milord ? » demanda le comte de Morton qui entrait dans ce moment ; « le conseil a décidé pour le mieux. Nous n’avons eu que trop de preuves de l’obstination de cette dame, et le chêne qui résiste au tranchant de la hache d’acier doit être fendu avec le coin de fer brut. Eh ! voilà donc son page ? Milord vous a sans doute donné ses instructions, jeune homme, et vous a dit comment vous deviez vous guider : je n’y ajouterai qu’un mot de mon côté. Vous allez dans le château d’un Douglas, où la trahison ne peut prospérer ; le premier instant de soupçon sera le dernier de votre vie. Mon parent William Douglas n’entend pas raillerie, et s’il a jamais sujet de vous croire perfide, vous flotterez au vent sur les créneaux du château, avant que le soleil se soit couché sur sa colère… Et la dame recevra-t-elle aussi un aumônier ?

— De temps en temps, Morton ; il serait dur de lui refuser les consolations spirituelles, qu’elle regarde comme essentielles à son salut.

— Vous avez toujours le cœur trop tendre, milord. Quoi ! un prêtre perfide pourra communiquer ses lamentations non seulement à nos ennemis en Écosse, mais aux Guise, à Rome, en Espagne, je ne sais où enfin !

— Ne craignez rien, nous prendrons de telles mesures qu’aucune trahison n’arrivera.

— Faites-y bien attention ; vous connaissez mon opinion sur la jeune fille que vous avez consenti à lui donner comme femme de chambre ; une jeune fille d’une famille qui, plus que toutes les autres, lui a toujours été dévouée, et a toujours été notre ennemie. Si nous n’avions pas agi avec prudence, elle se serait aussi pourvue d’un page, autant dans ses desseins que sa femme de cham-