Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/191

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— Autant que l’exercice peut l’apprendre sans un service réel en campagne, répondit Roland ; car notre maître ne permettait à aucun de ses gens de faire des excursions, et je n’ai jamais eu la bonne fortune de voir une bataille.

— La bonne fortune ! » répéta le régent avec un sourire amer : « croyez-moi, jeune homme, la guerre est le seul jeu où les deux partis ont perdu lorsqu’il est terminé.

— Pas toujours, milord, » dit le page avec son audace ordinaire, « si la renommée ne ment pas. »

— Que voulez-vous dire ? » reprit le régent qui s’animait à son tour et qui soupçonnait peut-être une allusion indirecte au rang suprême auquel il était lui-même parvenu à la faveur des guerres civiles.

« Je veux dire, milord, » répondit Roland sans changer de ton, « que celui qui combat vaillamment doit gagner de la gloire s’il survit, une mémoire immortelle s’il succombe : ainsi la guerre est un jeu où aucune des parties ne peut perdre. » Le régent sourit et secoua la tête. En ce moment la porte s’ouvrit, et le comte de Morton se présenta.

« Je viens à la hâte, dit-il, et j’entre sans me faire annoncer, parce que mes nouvelles sont importantes. Comme je vous le disais, Édouard Glendinning est nommé abbé, et…

— Silence ! milord, répondit le régent ; je le sais, mais…

— Et peut-être vous le saviez avant moi, milord, » dit Morton dont le front rouge et sombre semblait rougir et s’obscurcir encore lorsqu’il parlait.

« Morton, s’écria Murray, ne me soupçonnez point, ne touchez pas à mon honneur. J’ai assez à souffrir des calomnies de mes ennemis, je ne veux pas combattre les injustes soupçons de mes amis. Nous ne sommes pas seuls, » dit-il en se rappelant le page, « sans quoi je vous en dirais davantage. » Il conduisit le comte de Morton dans une des embrasures profondes que les fenêtres formaient dans le mur massif : elle offrait un lieu retiré pour converser à part. Roland observa qu’ils s’y entretenaient d’un air très-animé. Murray paraissait grave et sérieux, Morton jaloux et offensé ; mais il sembla céder par degrés aux assurances du régent.

À mesure que la conversation devint plus sérieuse, ils prirent insensiblement un ton plus haut, ayant peut-être oublié la présence du page, ce qui était d’autant plus facile que sa position dans l’appartement le mettait hors de la vue, de sorte que Roland